Archives de Catégorie: Avenir de l’Humanité

Genderfu*ckr

Genderf*cker

Pascale Drevillon Photo Le Devoir Olivier Sylvestre

Créatrice et performeuse : Pascale Drevillon. Mise en scène : Geoffrey Gaquère. Adjointe de production et comédienne : Andréanne Samson. 4 août 2018,  ZH Festival, Maison de la culture Maisonneuve, Montréal.

On arrive au monde en sortant d’un premier cocon, le placenta maternel. Une arrivée difficile, mais le pire est à venir… Apprendre à manger, marcher, parler, aimer; apprendre à vivre avec soi et avec les autres. Pour certains, tout se passe sans trop de heurts, sans vraiment se poser de questions. Pour d’autres, c’est moins évident. Un autre cocon les enveloppe, les empêchant d’être bien dans leur peau, cette enveloppe charnelle, consolidée par la culture et la société, refusant de les laisser sortir de leur prison intérieure.

Définis par les autres, ils s’enfoncent dans des stéréotypes qui les grugent jusqu’à la moelle. C’est cet univers que Pascale Drevillon nous propose de côtoyer durant les quatre heures que dure sa prestation.

Une prestation coup de poing, donné au ralenti mais qui secoue férocement le nid des certitudes de ceux qui traversent la vie, aveugles aux nuances et à l’ostracisme dont sont frappés «les autres» qui ne se retrouvent pas dans les normes binaires, blanc ou noir, homme ou femme, homo ou hétéro, bon ou mauvais… Une forme de méditation pleine conscience, à suivre en voyeur chaque petit geste qui nous définit, au fil des transformations de la performeuse. Un triptyque de la transformation d’un homme vers un corps de femme, entrecoupé d’une période où ces définitions binaires n’ont plus de sens.  Puis, la délivrance, l’atteinte du nirvana recherché! Mais là aussi un autre cocon l’attend : «je ne voulais pas être qu’une femme, je voulais être LA femme». D’autres stéréotypes viennent alors corseter le corps désiré, désirable tout autant que détesté.

Rechercher son identité n’est pas une mince affaire. Et même lorsqu’on l’a trouvée, il faut renaître encore une fois. Réapprendre à marcher, à parler, à aimer, à vivre quoi!

Quatre heures c’est long et court à la fois. Long pour une mise en scène à la «punch line». Court pour une transformation aussi fondamentale que celle de Pascale Drevillon!

Louis Roy

4 août 2018

Photo Le Devoir, Olivier Sylvestre.

https://www.ledevoir.com/culture/theatre/533766/genderf-cker-voyage-dans-la-fluidite-du-genre

 

 

Journée nationale des Patriotes

Journée nationale des Patriotes

Mes ancêtres sont arrivés ici, lui comme soldat dans le Régiment de Carignan-Salières et elle comme Fille du Roy. Comme bien d’autres, ils fuyaient la pauvreté, la peste, la misère des paysans. Ils y étaient aussi poussés par l’appétit sans borne des rois qui n’en avaient que pour la conquête de territoires aux dépens de soldats, de pauvres gens, chairs à canon, kamikazes désignés sur des champs de bataille sanglants.

Suite à une traversée sans confort ni plaisir, ils construisirent des forts pour barrer la route aux Iroquois, un peuple fier qui ne faisait que défendre ses lieux d’habitation et de commerce, si petits sur un territoire si grand. Ils construisirent des cabanes pour loger leurs espoirs sur des terres devenues propriétés des communautés religieuses et des nouveaux seigneurs d’un pays à construire. Une fois la paix intervenue avec les premières nations, plusieurs choisirent de demeurer ici, dans ce qui leur semblait un paradis de liberté comparé aux campagnes françaises.

Plusieurs rencontrèrent la véritable liberté en côtoyant ces premiers habitants qui occupaient le territoire depuis des millénaires, y vivant très près de la nature. Ils y découvrirent une autre logique, une autre façon de vivre dans l’harmonie et dans la solidarité, en affrontant un climat aussi hostile qu’accueillant.

D’autres profitèrent des ressources naturelles pour développer une économie marchande qui fut récupérée plus tard par un autre envahisseur, les Anglais. La plupart s’installèrent dans le paisible mais difficile rôle de laboureurs, les femmes élevant une multitude d’enfants pour assurer la relève et la survie de la nation.

Pour tous, les difficultés furent nombreuses : maladies, sécheresses, froid brûlant, feux de forêts ou de leurs pauvres maisons. Mais pour eux, il n’était pas question de revivre la misère d’alors de leur pays natal. Ils s’enracinèrent ici, tant bien que mal, dans une résistance passive mais déterminée.

L’abandon par la France et la domination anglaise qui s’en suivit furent une raison supplémentaire de repli sur soi, sur sa religion, sa langue, sa culture. On leur permit une certaine liberté, illusion d’une enclave franco-catholique en Amérique protestante.

Aussi, lorsque les Patriotes tentèrent de réveiller ce peuple à nouveau soumis, de lui rappeler ce qu’était la liberté qu’ils étaient venus chercher ici, ils se butèrent à cette peur de devoir tout reprendre à zéro comme durent le faire des milliers d’Acadiens. Ceux qui voyaient l’avenir de ce peuple français en terre d’Amérique s’étioler et qui comprenaient que sans relever la tête elle finirait par tomber au sol, ceux-là tentèrent de soulever une rébellion qui incluait tout autant les immigrants anglophones opposés au roi d’Angleterre. Cependant, lutter contre cet empire ne pouvait réussir sans l’appui d’une autre grande nation. C’était un échec annoncé.

Mais, pour l’histoire, les échecs ne sont souvent que la semence d’une future victoire. Sans la rébellion de 1837, il n’y aurait peut-être pas eu cette remontée d’une nouvelle volonté de liberté dans ce qu’on a appelé la Révolution tranquille et ses suites politiques. Pendant plus de cent ans, on nous avait occulté ce pan de notre histoire, préférant nous parler de Madeleine de Verchères ou de Dollard des Ormeaux. Aujourd’hui, cette belle première journée d’été nous permet un repos bien mérité, alors que la renaissance de la nature peut inspirer autant les poètes que les militants pour un pays inclusif. Que cette Journée des Patriotes puisse nous rappeler un tant soit peu cette volonté de liberté et d’inclusion qui doit toujours nous guider.

Vive la Liberté!

Chercher la vie extraterrestre?

Cette semaine, la NASA nous annonçait qu’elle avait trouvé, à une distance de 1,400 année-lumière, une planète similaire à la Terre dans une possible zone climatique où la vie, telle qu’on la connaît, aurait pu se développer depuis plus longtemps encore que sur Terre. De quoi stimuler fortement les imaginations scientifiques ou romanesques! Nous aurions donc une planète sœur et, pourquoi pas, de lointains cousins, plus âgés, aussi «seuls» que nous dans l’univers…

Et pourtant, selon des chercheurs, il y aurait plusieurs milliards de planètes pouvant abriter une vie semblable à la nôtre dans notre univers. Pour d’autres, notre univers ne serait pas unique, mais ferait partie d’un ensemble d’autres «multivers» contenant eux aussi leurs parts de galaxies, systèmes solaires et, évidemment, planètes pouvant contenir une vie chimiquement semblable à la nôtre… Bref, la famille serait tellement grande qu’aucune planète ne pourrait y accueillir un party familial de fin d’année!

Ces «découvertes» complexifient la vision de la place que nous occupons dans cette multitude de possibles cousinages extraterrestre. Bien sûr il est facile d’imaginer que la vie cellulaire, dont nous ne serions qu’une branche, puisse trouver d’autres lieux même plus avantageux pour se développer. Certains chercheurs ont même défini la «planète idéale» où des assemblages moléculaires comme les nôtres pourraient encore plus facilement évoluer. Mais sommes-nous seulement le fruit d’une évolution biochimique? Certains ne jurent que par une intervention extérieure, divine même, pour expliquer notre existence. D’autres pensent que nous sommes le fruit d’une évolution adaptative par «à-coup», qui ne saurait se produire dans des conditions stables ou idéales. Sans stimuli brusques, sans capacité d’adaptation, nous serions peut-être restés à un stade primitif de développement, nous contentant d’une reproduction constante, continuelle, identique et, de notre point de vue, statique, pour ne pas dire «platte».

L’humanité d’aujourd’hui serait donc le fruit, hasardeux ou non, d’une forme d’évolution stimulée par notre volonté de changer, d’augmenter, notre emprise sur les conditions de notre reproduction, de bousculer la façon d’occuper l’environnement dans lequel nous évoluons. Notre capacité de nous projeter dans un autre milieu de vie que celui qui nous entoure, ne semble avoir comme limite que celle de la viabilité de cet environnement. Nous pourrions inventer de vivre en enfer si cela ne nous tuait pas! Certains pensent que nous sommes d’ailleurs en bonne voie d’y parvenir…

Quand l’astrophysicien Stephen Hawking projette de trouver la preuve de l’existence d’autres formes de vie dans les galaxies environnantes, se pose automatiquement la question de cette éventuelle rencontre avec l’une ou l’autre de ces «civilisations» extraterrestre. Savoir qu’il existe d’autres mondes, ayant développé une forme de vie semblable à la nôtre, est une chose. Entrer en contact avec eux en est une autre.

Émettons l’hypothèse que d’autres formes de vie existent ailleurs et que nous pourrions même entrer en contact avec elles, au-delà du problème réel des distances qui nous séparent. Si d’autres êtres vivants, pensants, étaient infiniment bons, amicaux, empreints d’une douceur incommensurable et d’une science sans limite et qu’ils entraient en contact avec nous, je crois que nous ne les impressionnerions pas beaucoup! Ils pourraient même penser que nous ne sommes qu’une forme de bactérie nuisible. Au mieux ils fuiraient rapidement; au pire ils «désinfecteraient» la planète pour lui redonner une chance «d’évoluer»…

Si, par contre, nous rencontrions des êtres agressifs, guerriers et avides de possessions (un peu comme nous, quoi), il ne nous resterait plus qu’à souhaiter que leurs technologies aient une faille majeure, à défaut de quoi nous risquerions de disparaître rapidement…

L’humanité n’a pas souvent démontré sa capacité de contacts cordiaux entre des civilisations différentes. Notre approche «à l’autre» est souvent méfiante et les rapports de domination ont été plus souvent qu’autrement la ligne de conduite qui nous a menés à l’extinction ou à l’asservissement de peuples rencontrés au hasard des migrations humaines. Notre système économique actuel en est le dernier vecteur connu : tout développement collectif se fait par l’exploitation de la majorité par une minorité dominante. Les principes d’égalité sont plus souvent écrits dans des conventions de bonnes intentions que dans la réalité quotidienne des humains de notre planète.

Si certains pensent que nous sommes le summum de l’évolution, peut-être vaut-il mieux ne pas entrer en contact avec des vies extraterrestre! Si elles sont moins «évoluées», nous allons sans doute les asservir et même les faire disparaître. Si elles sont plus «évoluées», nous leur paraîtrons bien stupides et là encore nous risquons d’en payer le prix. Et si elles étaient totalement semblables à nous, nous trouverions vite une raison de les discriminer : une peau trop bleue, une troisième oreille dérangeante, une langue incompréhensible, une propension «politically» incorrecte à l’alcool ou une piété suspecte envers un dieu que nous ne connaîtrions pas. Seule leur éventuelle syndicalisation m’apparaîtrait intéressante…

À tout bien considérer, il vaut mieux pour nous et pour d’éventuelles sociétés extraterrestres que nous ne nous côtoyions pas trop. Restons simplement amis Facebook; sans façon!

Louis Roy – 24 juillet 2015

NASA, Kepler-452B : http://www.nasa.gov/press-release/nasa-kepler-mission-discovers-bigger-older-cousin-to-earth

Exoplanètes : http://exoplanet.eu/

Univers et Multivers: http://www.universalis.fr/encyclopedie/multivers/

Mondes «superhabitables» : http://arxiv.org/ftp/arxiv/papers/1401/1401.2392.pdf

La politique comme je la déteste!

Depuis huit mois, en fait depuis la proposition de charte des valeurs, je me suis abstenu d’intervenir publiquement sur les partis politiques et leurs discours. Pendant la campagne électorale qui vient de se terminer, seule l’intervention curieuse d’anciens présidents de la CSN en appui à la candidature de Pierre-Karl Péladeau m’a poussé à une sortie publique. Non pas que je sois décroché de l’actualité québécoise et encore moins que j’aie décidé de me bercer sur la galerie en regardant les wagons de pétrole passer. J’avais plutôt l’espoir qu’une nouvelle génération militante prenne la relève et que les questions de l’avenir de la planète, de la réduction des inégalités et de la démocratie participative soient au devant des réflexions politiques collectives.

Depuis huit mois, tout le paysage politique québécois a, bien au contraire, porté sur des sujets tout aussi futiles que le choix de la valse à jouer sur le pont du Titanic le soir de son naufrage. Doit-on limoger une infirmière qui refuserait d’enlever son voile? Doit-on avoir peur de l’expression démocratique d’un peuple lors d’un référendum? Doit-on mettre des péages sur un des ponts qui relie Montréal au «continent»? Doit-on avoir plus de GMF, de PPP? Doit-on fouiller le sol à la recherche de pétrole à Anticosti? Doit-on faire du ciment en Gaspésie? Oui, je dis que tout cela est futile! Futile pour éclairer le choix d’un gouvernement responsable de ce que nous laisserons comme véritable héritage à nos enfants. Non pas que le prochain gouvernement ne doive pas répondre à ces questions qui préoccupent la population au quotidien. Mais au-delà de ces sujets, pour choisir ceux et celles qui vont nous diriger, ne devrions-nous pas regarder ce qui nous attend si nous continuons sur la même voie?

Quand le Fonds monétaire international (FMI), une organisation au cœur du développement capitaliste de la planète, pose la question de l’écart entre les plus riches et le monde ordinaire et propose de s’y attaquer pour le réduire; quand ce même FMI remet en question la taille démesurée des banques et les considère comme un danger pour la stabilité économique et politique de la planète; quand le Groupe Intergouvernemental d’experts de l’ONU sur l’Évolution du Climat (GIEC) nous rappelle encore une fois que le dérèglement climatique met en danger la survie même de l’humanité; quand Jean Lemire, capitaine du bateau SEDNA et environnementaliste apolitique, nous lance un cri du cœur à l’effet que la production de la richesse ne signifie pas du tout son partage équitable et encore moins l’utilisation responsable des ressources; quand même la NASA lie inégalités sociales à disparition de l’humanité, etc. Quand tout cela devrait préoccuper au moins ceux et celles qui nous dirigent, de quoi nous parlent nos politiciens? De sujets qui visent à leur faire obtenir un vote de plus; électoralisme à la carte, dans un monde qui a plutôt besoin d’une direction intelligente et qui nécessitera des choix éclairés mais difficiles sous peu.

D’ici 50 ans, il nous faudra trouver un autre modèle économique, basé sur la coopération plutôt que sur la concurrence, une économie qui devra redéfinir la notion de développement économique et qui soustraira l’impact à long terme sur l’environnement de la supposée richesse produite. Il nous faudra développer des façons de produire l’énergie sans aggraver le dérèglement climatique. Il nous faudra nourrir encore plus d’humains avec moins de fertilisants, avec des mers où les poissons semblent de plus en plus incapables de se reproduire. Il nous faudra rendre accessible une eau potable plus rare à des populations de plus en plus assoiffées. Il nous faudra lutter contre des épidémies dues à l’adaptation des virus et bactéries alors que le vieillissement des populations les rendra plus vulnérables.

Loin de moi l’idée d’être alarmiste et encore moins prophète de malheur. Au contraire! J’y vois des défis stimulants pour des populations instruites et sures d’elles-mêmes. Mais pour y arriver il faut s’y mettre dès maintenant : rendre l’instruction encore plus accessible, investir dans la recherche fondamentale, prendre des mesures concrètes soutenant les énergies renouvelables, partager encore mieux les richesses, rapprocher le pouvoir des citoyens, penser nos villes, nos pays, en fonction des bouleversements climatiques (montée des eaux, de la chaleur, nécessaire accroissement du verdissement et de l’autonomie alimentaire locale) etc.
Je n’ai pas entendu grand ’chose de tout cela depuis huit mois. Bien sûr quelques partis politiques et certains candidats se sont exprimés dans ce sens. Mais le principe de la «ligne de parti» de ceux qui s’échangent le pouvoir depuis des décennies ne va pas dans ce sens. Le pouvoir planétaire a été accaparé par des «riches» en argent, mais «pauvres» en vision d’avenir. Au Québec, au Canada, nous ne faisons pas exception. Depuis huit mois, je ne vois que des politiciens faire de la politique comme je la déteste!

Dans les années 1960, c’est le Parti Libéral du Québec qui a ouvert la porte à une sortie de la grande noirceur économique et intellectuelle qui paralysait le Québec. Depuis 40 ans, la question nationale a accaparé beaucoup d’énergie politique. Maintenant que les québécois ont encore une fois tourné le dos à l’idée d’indépendance et que le Parti Libéral du Québec a repris le pouvoir, serait-il en mesure d’ouvrir une nouvelle porte qui nous mènerait à une révolution écologiste, économique et démocratique suffisamment visionnaire pour nous permettre d’être fiers de nous dans 50 ans? Ou bien ne sera-t-il qu’une brindille prise dans le courant bien pensant du libéralisme économique mondial?

Si le PLQ de M. Couillard croit vraiment qu’il faille parler des vraies affaires, si M. Couillard veut laisser une trace marquante dans l’histoire du Québec, je crois qu’il doit se projeter plus loin que la simple durée de vie d’un gouvernement. Les libéraux ont la possibilité d’amorcer une nouvelle révolution tranquille, celle qui soutiendra la survie de la planète et même de l’humanité. Le feront-ils? En parleront-ils?

Nous, nous sommes prêts!

Et vous M. Couillard?

Louis Roy
Organisateur communautaire et ex président de la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN)

 

Paru en version courte dans La Presse du 15 avril 2014

Voir aussi sur le Japon: http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20140321trib000821608/pourquoi-nous-sommes-a-la-merci-des-discours-economiques.html