Pourquoi fêter Noël?

Pourquoi fêter Noël?

Une grande bûche sculptée se consumait lentement au centre d’un cercle de pierres. Tout autour, on avait accroché aux arbustes des figurines de terre cuite, de petits animaux en bois coloré et des lanières de fourrure blanche; tout ce qui pouvait représenter le retour de la vie. En cette longue nuit froide de ce qui allait devenir décembre, les anciens célébraient le solstice d’hiver, le point de bascule qui allait ramener la lumière, la chaleur, le printemps, dans quelques lunes.

Les humains soulignent les solstices d’hiver et d’été depuis des millénaires. Au Sud comme au Nord, ce phénomène astronomique marque le début d’un changement dans la vie collective; les nuits raccourcissent et les jours commencent à allonger au Nord et l’inverse se produit au Sud. Les anciens vivaient très près des cycles de la terre et leurs vies étaient rythmées par le soleil, qu’ils adoraient parfois même comme un dieu. Je dis «anciens», mais cela était aussi vrai il y a à peine quelques centaines d’années.

Ce lien avec les rythmes de la nature a servi de guide à plusieurs religions pour y calquer les événements de leurs liturgies sur ceux déjà respectés par les peuples depuis des temps immémoriaux. Le capitalisme, à titre de «religion économique», ne fait pas exception! Pensons aux événements commerciaux liés à Pâques, à l’Halloween et bien sûr à Noël, pour ne citer que ceux-là. Associer la surconsommation à chaque fête populaire est devenu une confirmation du fort décalage entre l’origine de ces moments festifs et les foires commerciales qui, parfois même, déclassent et ternissent le lien entre les humains et l’environnement pour le remplacer par des valeurs qui semblent nous mener à notre perte collective. Nous sommes passés du respect des liens qui nous unissent à la terre, aux saisons, à celui de la fuite en avant vers le précipice où nous conduit cette économie polluante et mortifère.

Alors, pourquoi diable fêter Noël?

Nous ne savons pas encore si l’humanité est la seule espèce vivante, capable d’imaginer la vie sur d’autres planètes de l’Univers. Les avancées astronomiques laissent penser que des milliers d’exoplanètes, hors du système solaire, pourraient réunir des conditions physiques similaires à celles qui ont prévalu ici, sur terre, et qui ont mené à l’existence de l’humain tel que nous le connaissons aujourd’hui. Nous ne saurons peut-être jamais si cet espoir de ne pas être seuls dans l’Univers est réaliste, compte tenu des distances qui nous séparent de ces autres «terres»…

Mais ce que nous savons, c’est que nous sommes la seule espèce vivante, ici sur terre, capable de sublimer le quotidien pour s’inventer un monde et même le construire concrètement, fût-il virtuel. Sans tomber dans le spécisme et donner aux humains une valeur morale supérieure aux animaux, il n’en demeure pas moins que nous sommes les seuls à organiser notre environnement selon nos désirs; d’ailleurs, cette caractéristique humaine est celle qui a ouvert la porte à toutes les dérives environnementales et nous met même en danger comme espèce.

Par ailleurs, c’est cette même capacité qui favorise les arts, l’inventivité, le fantastique et le merveilleux. Des dessins des cavernes aux impressionnistes, de l’imitation d’un chant d’oiseau aux symphonies, d’un trait dans le sable aux poèmes, l’humanité sublime la pensée dans le partage de la beauté. C’est probablement cette même particularité humaine qui permettra aux prochaines générations d’inventer un monde meilleur, plus juste, plus équitable, en paix et de remettre l’économie à sa place, soit au service des collectivités plutôt qu’au seul profit de quelques-uns…

C’est cela qu’il faut fêter à Noël! Garder vivant l’imaginaire, le merveilleux! Voir les yeux des enfants briller devant un conte, une décoration, un cadeau, une ambiance chaleureuse; partager avec d’autres un repas, un bien, un sourire. Notre société est tellement individualiste, insensible pour les gens différents et si peu portée à soutenir les exclus, qu’il faut utiliser ces moments particuliers pour se rappeler que nous sommes aussi autres choses : des êtres pensants, certes, mais des êtres capables du meilleur, du fantastique, du solidaire, de la justice sociale. Des êtres capables d’affronter l’avenir avec intelligence et détermination, tout comme de vivre le présent dans la symbolique d’un sapin décoré, d’un vieux bonhomme et son traîneau tiré par des rennes volants (sans GES), en train de poser des guirlandes lumineuses pour rappeler que nous sommes maîtres d’illuminer notre avenir, plutôt que de retourner à la noirceur ayant précédé le Big Bang…

Joyeux Noël!

Un Roy est-il nécessairement un Roy? Quand génétique et généalogie divergent…

Le choc!

À l’été 2021, alors que je reposais mes yeux urbains en admirant les balbuzards plonger avidement dans la baie de Shippagan, j’ai reçu le résultat du test ADN pour les chromosomes Y que j’avais commandé chez FamilyTree quelques semaines plus tôt. On m’y classait dans une autre lignée que celle d’Antoine Roy dit Desjardins. Je crus d’abord à une erreur jusqu’au courriel de M. Denis Savard, coadministrateur du groupe ADN_Héritage_Français sur FamilyTree. Celui-ci m’expliquait tout bonnement qu’en classant mon échantillon il réalisait que nous étions cousins (par ma grand-mère maternelle) et que du côté de mon père il allait me ranger dans les familles Laberge! Un événement non parental (ÉNP) était de toute évidence responsable de ce changement dans ma lignée paternelle! Si cela semblait «tout naturel» pour lui, ça ne l’était pas pour moi! Je n’étais donc plus un Roy, mais un Laberge! Choc «génético-généalogique»! D’autant que je m’évertue depuis quelques années aux recherches soutenant l’écriture d’un roman historique sur la vie de «mon» ancêtre Antoine Roy dit Desjardins!

Bien sûr, la généalogie et la génétique sont deux disciplines distinctes, bien qu’apparentées (!). Comme me l’écrivait mon ami Pierre Le Clercq, président de la Société généalogique de l’Yonne, « … tu es véritablement un Roy, puisque ce sont eux qui ont recueilli ton ancêtre et influé sur sa vie… ». Pierre me faisait aussi remarquer que le père d’Antoine, Olivier Roy, a lui aussi été déclaré illégitime lors de son baptême et qu’il a reçu le patronyme Roy d’un homme qui n’était peut-être pas son père biologique…

La stupeur ayant fait place à la curiosité, je me suis attablé à comprendre ces résultats inattendus et à chercher où, dans mon arbre généalogique, avait bien pu se produire cette distorsion généalogique. M. Denis Savard m’a beaucoup aidé à cibler mes objets de recherche et m’a suggéré de pousser les analyses ADN un peu plus loin (Big Y de FamilyTree) afin de tenter de mieux cerner où avait pu se produire cet ÉNP…

La recherche

Selon les données ADN, l’ÉNP se serait produit à quatre ou cinq générations de ma naissance. J’ai donc identifié les ancêtres concernés avec leurs dates de conception, l’âge de leurs mères et leurs lieux de résidence lors de la conception. J’ai donc remonté mon ascendance agnatique jusqu’au fils d’Augustin Lazare Roy dit Lauzier (1723), soit Clément Roy dit Lauzier (1767-1825). En effet, M. Savard me confirmait qu’Augustin Lazare Roy avait été exclu de cet ÉNP par une triangulation génétique entre un de ses descendants et les autres Roy liés à Antoine. Il fallait donc chercher parmi ses descendants.

Mais pour être quand même rassuré, j’ai commencé par ma mère. À quatre-vingt-dix-huit ans, elle a une excellente mémoire. Elle m’a donc assuré que mon père biologique était bien celui qui était son époux et qu’aucun Laberge ne pouvait donc être responsable de cette situation. Cela réglait donc la question plus personnelle de cet ÉNP!

Voici le tableau des autres ancêtres sur lesquels je devais enquêter :

Comme on le voit, plusieurs de mes ancêtres (2, 3, 5 et 6) ont été conçus dans la période de fin d’année. Cette période était propice aux rencontres familiales et aux échanges paroissiaux. Par ailleurs, ces périodes étaient moins propices aux longs déplacements.

Pour chacun d’eux, j’ai consulté les recensements accessibles, les registres paroissiaux et provinciaux ainsi que les arbres généalogiques publics sur plusieurs sites généalogiques. J’y ai recensé toutes les familles Laberge et identifié tous les hommes en âge de procréer. J’ai aussi reconstitué les arbres généalogiques de la quinzaine de Laberge que FamilyTree et Ancestry ont lié à ma génétique. J’ai ensuite croisé ces données pour tenter d’en faire ressortir des concordances. J’aurais aimé pouvoir aussi trouver des familles, vivant près des familles Roy, qui avaient des Laberge dans leur parenté. Mais cela demandera une étude plus poussée que quelqu’un d’autre aura peut-être la patience de faire…  En effet, les noms de familles des épouses Laberge, sont très variés et couvrent un très large spectre des familles québécoises du 18e et 19e siècles. Des Laberge auraient effectivement pu visiter de la parenté du côté de leurs mères ou grand-mères, dans les villages de Cacouna, Kamouraska, La Pocatière ou Notre-Dame-du-Lac et y rencontrer les épouses des Roy…

Génération 1 : Charles Roy (1918-2000)

Mon père était enfant unique et sa mère est décédée à dix-neuf ans de la grippe espagnole. Elle vivait dans un petit village isolé du Nouveau-Brunswick, où je n’ai recensé aucun homme du nom de Laberge, et ma grand-mère s’étant mariée à dix-sept ans avec mon grand-père Ludger, son voisin, j’ai exclu cette hypothèse. Évidemment la possibilité existe et mon grand-père n’ayant pas eu d’autre enfant déclaré, il serait impossible de comparer mon ADN avec celui de cousins de cette branche. Si l’ÉNP s’est produit à cette génération, nous ne le saurons jamais. À moins que cet éventuel Laberge ait eu d’autres enfants et que ceux-ci passent des tests ADN chez FamilyTree…

Générations 2 à 6 : de Ludger à Clément

Aucun Laberge n’a été recensé dans les comtés du Témiscouata, Kamouraska et Rimouski, dans les recensements de 1851, 1881 et 1891. Malheureusement, le recensement de 1842 est très incomplet et je n’y ai recensé que onze familles Laberge «près» de Rivière-du-Loup, soit à Québec et à La Malbaie. À Québec on n’indique parfois que l’initiale du prénom qui est même illisible dans un cas. À La Malbaie, Joseph a cinq enfants, André a refusé de répondre au recenseur et la femme d’Anselme a fait de même! Il me reste du travail à faire pour cette période, mais ce recensement ne m’a pas beaucoup aidé.

Dans le recensement de 1881[1], plusieurs jeunes hommes Laberge sont qualifiés de «voyageurs». Lors de ce recensement, on attribuait le terme voyageur aux personnes absentes du foyer qui étaient fort probablement au travail à l’extérieur et qui comptaient revenir dans ce même foyer. Il s’agit sans doute de travailleurs saisonniers (bûcherons, journaliers et autres) ou encore de marchands itinérants. Un de ces jeunes hommes aurait évidemment pu croiser la mère de mon grand-père à Notre-Dame-du-Lac, lieu de passage de plusieurs travailleurs de la forêt situé entre le Québec, le Maine et le Nouveau-Brunswick.

J’ai donc consulté des centaines d’occurrences, dans ces recensements, pour les comtés de Montmagny-L’Islet, Québec, L’Ange-Gardien et Charlevoix. Parmi ces Laberge, j’ai porté attention à ceux qui apparaissent dans les généalogies  d’au moins une des personnes qui me sont liées génétiquement selon FamilyTree ou Ancestry. Pour ce faire, j’ai dû reconstituer les généalogies complètes de ces personnes. Ces liens mènent évidemment aux mêmes ancêtres que sont les trois fils de Robert Laberge et Françoise Gausse, soit François (1669), Nicolas (1672) et Guillaume (1674).

Tableau des hommes Laberge, en âge de procréer (20 à 50 ans), ayant été recensés dans un rayon de 200 km des familles Roy concernées.

Hypothèses temporaires, suite à cette première vague de recherches.

Je ne ferai pas ici le compte rendu de toutes les recherches, analyses et hypothèses que j’ai faites depuis l’automne 2021. Mais, pour l’instant, compte tenu du peu de données ADN disponibles concernant les Roy et les Laberge, voici les premières hypothèses sur lesquelles je poursuis mon travail de recherches, principalement du côté des contrats notariés et des histoires familiales publiées.

  1. Pour les tests ADN disponibles sur FamilyTree et Ancestry, 93% de mes liens génétiques avec des Laberge, mènent à Guillaume Laberge (1674-1729). Le reste mène à Nicolas Laberge (1672-1700); aucun ne mène au troisième fils de Robert Laberge, François.
  2. Si l’ÉPN concerne Clément Roy dit Lauzier (1767-1835), sept hommes Laberge vivaient «à proximité» d’Angélique Lizotte (1732-1817) lors de la conception de Clément. Angélique avait alors trente-cinq ans, était mariée depuis quatorze ans et Clément était son huitième enfant. Le premier suspect est Nicolas Laberge (1719), lui-même descendant de Nicolas fils de Robert; âgé alors de quarante-huit ans, il était bien établi comme cultivateur près de Montmagny. Les six autres hommes sont des descendants de Guillaume Laberge et vivent à l’Ange-Gardien. Trois étaient fils d’un autre Charles Laberge (1699-1759) qui exerçait les métiers de cultivateur et de voiturier. À ce titre, il convoyait personnes et marchandises, sans doute en bateau, le long des côtes du Québec d’alors. Lui et ses fils auraient donc pu se déplacer vers La Pocatière et avoir des contacts avec Angélique. Ceci ajoute trois suspects possibles : Charles (1728), Jacques (1739) et Pierre (1745). Les trois autres hommes possibles sont des hommes bien établis, mariés et pères de plusieurs enfants.
  3. Si l’ÉPN concerne Clément Roy dit Desjardins (1790-1871), près d’une vingtaine de Laberge auraient pu côtoyer sa mère, Marie-Anne Gagnon (1768-1856), qui avait alors vingt-deux ans et était mariée depuis à peine deux ou trois mois lors de la conception de ce premier enfant, Clément. Parmi tous ces Laberge, deux sortent du lot à cause de leurs mariages tardifs. Louis Laberge (1757-1834) avait trente-deux ans lors de la conception de Clément. Célibataire, il ne s’est marié qu’en 1795, avec une célibataire de trente-trois ans, avec qui il a eu quatre enfants vivants. Joseph Laberge (1767-1822) avait environ vingt-deux ans lors de la conception de Clément. Il épousera une veuve de vingt-sept ans, sans enfants, en 1801, à l’âge de trente-quatre ans et ils auront plus de dix enfants ensemble. Un autre suspect est François Laberge (1769-1838). Il a presque vingt-et-un ans lors de la conception de Clément. On ne trouve aucune trace de lui avant 1797 à St-Hyacinthe où il épouse, à vingt-huit ans et en premières noces, une jeune fille de dix-neuf ans.

Conclusion

J’ai retenu l’idée que l’événement non parental dans mon arbre généalogique s’était produit à la cinquième génération. Mon père, mon grand-père, son grand-père et le père de celui-ci, ne me semblaient pas offrir les conditions propices à ce genre d’événement compte tenu de plusieurs éléments trop longs à expliquer ici. Évidemment, on ne peut exclure à priori l’hypothèse que l’ÉPN se soit produit lors de leurs naissances. Tout comme toutes les pistes évoquées ici ne sont peut-être que pures spéculations totalement fausses! Si vous êtes un homme, descendant direct des fils d’Augustin (1723), des fils des Clément (1767 et 1790), ou des familles Laberge citées ci-dessus, je vous encourage à passer un test chez FamilyTree-DNA (Y-37 au minimum). Si vous voulez tout simplement aider à élucider ce mystère, vous pouvez aussi contribuer en commanditant des tests pertinents par le projet Héritage Français (bouton Donate au https://www.familytreedna.com/groups/frenchheritage/about), en prenant soin d’indiquer que les fonds sont destinés à l’étude de la «lignée Laberge dite Roy à Clément».

D’ici à ce que plus de tests de Roy et Laberge soient disponibles dans les bases de données ADN,  je poursuis en parallèle mes recherches sur ces Laberge qui ont perturbé mon arbre généalogique, tout en continuant l’écriture romancée de la vie d’Antoine Roy dit Desjardins, MON ancêtre! Jusqu’à preuve du contraire…

Louis Roy, Mars 2022

NOTES SUPPLÉMENTAIRES

Selon le PRDH, voici les descendants des ancêtres potentiellement concernés par cet événement non parental:

Fils d’Augustin Roy Desjardins dit Lauzier (1723) : Joseph-Augustin (1754), Etienne Benoît (1759), Prosper (1762), Clément (1767), Jean-Marie (1769), Pierre Nicolas (1772) et Jean-Baptiste (1775).

Fils de Clément Roy dit Lauzier (1767) : Clément (1790), Pierre-Antoine (1795), Augustin (1798), Stanislas Wenceslas (1800), Joseph Prudent (1802), Fulgence (1804) et Etienne (1807).

Fils de Clément Roy dit Desjardins (1790) : Clément (1813), Thomas (1818), Robert (1823), Jean Anthime (1825), Bruno (1826), Edouard Elzéar (1832) et Charles Félix (1837).

Fichiers ADN chez ANCESTRY:

Vous pouvez transférer chez FamilyTree le résultat de votre test ADN effectué chez Ancestry. Cependant il s’agit d’un test autosomal seulement et il ne permet pas de distinguer les variations sur le chromosome masculin Y. Les hommes qui font ou transfèrent leur test chez FamilyTree, peuvent ensuite acheter une analyse DNA-Y 37 (au minimum) pour vérifier une possible appartenance à la lignée Roy ou Laberge.

Tests ADN les plus fréquents sur le marché américain:

L’analyse autosomale de l’ADN (test autosomal DNA) permet de relier votre ADN aux personnes qui sont parentes avec vous, du côté de votre mère ou de votre père (c’est le cas du test offert chez Ancestry). L’analyse mitochondriale de l’ADN (mtDNA test)  permet de cibler les personnes qui vous sont apparentées de par votre mère seulement (matrilinéaire). L’analyse du chromosome Y, chez les hommes, (Y DNA test) permet de cibler les personnes qui vous sont apparentées de par votre père seulement (patrilinéaire). Voir, entre autres, Wikipedia Test ADN généalogique.

CONFIDENTIALITÉ ADN

L’utilisation des bases de données génétiques ne sera jamais à l’abri d’une utilisation autre, par les gouvernements ou les pharmaceutiques par exemple. Chez FamilyTree DNA, votre analyse n’est identifiée que par un numéro, lié à une adresse de courriel et une adresse physique. Cela ne garantit pas tout évidemment. C’est une question très débattue dans le monde généalogique et chacun évalue le «risque» qu’il est prêt à assumer pour faire des liens génétiques avec sa généalogie…

Paru originellement dans: Article Les Souches Vol 27 No 1 2022 Un Roy est il nécessairement un Roy ?

[1] Le recensement de 1881 a débuté en avril 1881. Les chantiers en forêt étaient encore en activité à cette date.

Centenaire de la Confédération des syndicats nationaux vendredi 24 septembre 2021

Les 100 ans de la CSN

Lier travail et société dans un monde menacé

  • Une base catholique

La Confédération des syndicats nationaux (CSN), anciennement la CTCC (Confédération des travailleurs catholiques du Canada), souligne cette année son centième anniversaire. Née de la volonté des édiles catholiques du début du XXe siècle, cette association de travailleurs répondait aux appels de l’encyclique du pape catholique Léon XIII en 1891. Première incursion du Vatican dans le monde industriel du libéralisme économique capitaliste, cette «lettre aux chrétiens», Rerum novarum (nouvel ordre des choses), cherchait à réguler un tant soit peu les relations entre patrons et ouvriers à une époque où l’industrialisation déstructurait le tissu social occidental. Elle se voulait aussi une alternative aux syndicats socialistes ou communistes qui étaient alors les seuls à revendiquer plus de justice pour les opprimés du capitalisme.

Ici, au Québec, cet appel à l’organisation de regroupements catholiques d’ouvriers fut entendu par les élites religieuses qui voulaient promouvoir la doctrine sociale de l’Église, protéger le nationalisme catholique et contrer le syndicalisme étranger, fortement inspiré par le socialisme de l’entre-deux guerres (1918-1940). Une seconde encyclique, Quadragesimo anno (Quarante ans plus tard), parue en 1931 sous le règne du pape Pie XI, venait poser une autre pierre à ce que deviendrait la CSN. Le principe de subsidiarité, visant entre autre à ramener les décisions à la base des organisations, allait raffermir le rôle des syndicats locaux, libres et autonomes, mettre en lien les regroupements régionaux, les Conseils centraux calqués sur les diocèses catholiques, et donner du corps aux regroupements sectoriels, les fédérations professionnelles de la CSN. Ce sont là les trois chaînons solidaires du logo de la CSN.

  • Une vision socialiste

Après la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1946, Gérard Picard, un président d’une importance capitale pour la CSN, prépara et réalisa une transformation radicale du syndicalisme québécois. D’abord novice chez les Pères Blancs, puis journaliste, syndicaliste et avocat, il restera un catholique convaincu mais résolument tourné vers l’avenir. C’est lui qui mit en place les conditions qui allaient conduire la CSN vers un syndicalisme de combat, laïc, dont les figures de proue furent plus tard Marcel Pépin, Pierre Vadeboncoeur et Michel Chartrand. Le syndicalisme CSN élargissait son champ d’action, passant du contrat de travail au contrat social, sublimant les volontés exposées en filigrane dans les deux encycliques papales tout en sortant du carcan catholique et de sa vision idyllique des classes sociales.

La CSN aura marqué le paysage ouvrier du Québec, le faisant passer du syndicalisme «de bonne entente» à celui de revendication ouvrière et sociétale. Dans les années 1970 et ’80, la CSN se voulait le «fer de lance du syndicalisme de combat» en Amérique. De son côté, le syndicalisme ouvrier international et principalement américain est né d’une volonté socialiste, mais il a souvent fait le cheminement inverse, devenant corporatiste, parfois même mafieux, délaissant jusqu’à il y a peu une vision sociale plus globale. Quant au syndicalisme corporatiste, il est resté fidèle à lui-même, ne visant qu’à consolider ou améliorer les conditions de ses membres, parfois au détriment des autres titres d’emplois et même de la société. Et, avouons-le, toutes ces «dérives» ont existé ou existent encore dans plusieurs organisations syndicales…

  • Un avenir collectif

Pour la CSN, comme pour les autres, le XXIe siècle amène des défis aussi grands que lors de l’arrivée du libéralisme économique il y a cent ans. Les bouleversements climatiques, les niveaux d’endettement personnels et collectifs, l’exaspération des peuples envers leurs élus et envers leurs propres organisations civiles, la monté délirante des opinions fragmentées par les média sociaux et l’indifférence accrue envers «l’autre», représentent une somme considérable de combats qui mériteraient un leadership syndical fort et organisé.

Le syndicalisme de la CSN doit se conjuguer aux temps modernes que sont les revendications légitimes des minorités quelles qu’elles soient, de celles des femmes, toujours exploitées depuis des siècles, des réfugiés politiques ou climatiques, des nations opprimées ou l’ayant été et, bien sûr, des travailleuses et travailleurs d’usines, d’institutions, autonomes ou non. La CSN doit être «éveillée» face aux injustices, tout en restant un pôle d’attraction collectif. La CSN doit lutter contre l’obscurantisme, la rectitude politique, la censure et l’individualisation des revendications. La CSN doit soutenir toutes les luttes progressistes qui cherchent à améliorer le vivre ensemble. La CSN doit faire de la lutte aux bouleversements climatiques SA priorité pour l’intégrer dans le concret des conditions de travail, de la santé et de la sécurité de toutes et tous, des conditions d’existence des lieux de travail et de la finalité même du travail. La CSN doit promouvoir la jonction des forces progressistes et ouvrières. S’il doit y avoir un dialogue social, il doit dépasser les associations patronales ou politiques pour se concentrer sur le dialogue et la solidarité à la base de la société, de ses composantes locales, régionales et professionnelles. Ces trois chainons du logo de la CSN sont toujours d’actualité même cent ans plus tard!

Longue vie à la CSN!

Paru dans La Presse: https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-09-24/longue-vie-a-la-confederation-des-syndicats-nationaux.php?fbclid=IwAR045KcbBEpej2QNKnkArHz5R7Zv8S9jLL_ZOVOilCKLmmh930LVkB0RQj8

Et dans Le Devoir: https://www.ledevoir.com/opinion/idees/635091/syndicalisme-la-csn-a-100-ans?fb_news_token=clMjEgPFNouzfV1k6y1mCg%3D%3D.lbR6BKLc0hRXw7mMrv5L14RELW2hRr8PkMy%2Bgp7w2qoS5Wiuky54R6a3d98qs2%2F1txERFwv8ePkDoZC15SgGqardaR%2FUeHtYRJMW7R%2FKOwTncIP9UCwIcyE%2BsITtXXUnWZxcmVWnoXMmwyWrQAKpKF7Cu7ClfMGcStuahEunbW9eeAPLN%2FODfiXPF7H3TSdW6a5Dc20oMWR32yBk45hF6ibYJiDYLcnTcWnROvT92ZijuUlwsd64znA9OsVbLkxquE9V8gEIV0YLmotehCZfqqpe%2FEFQ5NjOLDYzbla59sP2ZYdRODGjH13S%2FshB%2FBsRP%2BjMv2f%2FqkFWCyPiEC4xWsj1LwLuVo8NvKKT79HpaR82MsahollMjkxNFZlfxV2Hu1mAJauKMnXGJaW4%2BdOpUBXTbrCxl6rcD06fmNdMVsQ%3D&fbclid=IwAR2F3wgbQ9RfHf0pmvBfMw7mSMXVobiaOoy9RI-b9Uo83wM-3ukHAW95s4U

Arbitrage électronique au tennis professionnel

Tennis électronique?

J’ai eu le plaisir d’assister, la semaine dernière, au tournoi de tennis féminin organisé par Tennis Canada à Montréal. La pandémie a changé beaucoup de choses dans les festivals, spectacles et activités extérieures : masques, stades à moitié vides, restauration quasi inexistante, proximité réduite avec les autres spectateurs et les joueuses, etc. Curieusement, ce qui m’a le plus dérangé dans ce tournoi de tennis ce sont les cris d’orfraie du système automatique de jugement de lignes!

Comme Obélix et la fameuse potion magique, je suis tombé dans le tennis extérieur dès mon plus jeune âge. Mon père, ma mère, mon frère et ma sœur ont joué au tennis. Et qu’on ne vienne pas me dire que c’est un sport de riches, car ma famille ne l’a jamais été! J’ai donc passé une grande partie de mon adolescence à jouer, enseigner, arbitrer, compétitionner et même entretenir des terrains de tennis. Dès que j’ai pu, je suis devenu un abonné du tournoi de Montréal et je rêve encore d’aller voir des matchs à Wimbledon, Roland Garros et Flushing Meadows!

Bien que le tennis professionnel soit devenu un cirque-spectacle, il n’en demeure pas moins que les matchs de tournois, eux, sont demeurés les mêmes affrontements qu’il y a cent ans. Deux ou quatre joueuses doivent démontrer habilité, ténacité et constance pour pouvoir jouer un autre match en espérant gagner la finale où gloire et admiration constituent la récompense ultime. Évidemment, bien des choses ont changé depuis que j’ai gagné mon dernier trophée de douze centimètres de haut en bois et en métal doré! L’entraînement des joueuses, les raquettes et surtout la récompense pécuniaire ne sont plus les mêmes…

À Montréal du moins, il y avait une chose qui n’avait pas encore changé, l’arbitrage des matchs. En fait il faudrait plutôt parler de la façon dont on juge les balles pour savoir si elles sont tombées sur le terrain ou à l’extérieur des lignes qui le délimitent. Pandémie oblige, on a remplacé les humains qui, dans un travail de concentration extrême, jugeaient les balles qui côtoyaient les lignes de très près. Un travail de plus en plus difficile compte tenu de la rapidité  folle que les joueuses donnent à ces balles, martelées avec des raquettes devenues des armes de précision et de balistique explosive.

Au lieu des gestes convenus et des appels somme toute assez discrets que nous donnaient ces juges de lignes, on a eu droit à des cris automatisés reliés à un logiciel analysant les images des multiples caméras fixes qui balisent maintenant le terrain. Une forme d’intelligence artificielle dont le mot «artificiel» est la principale caractéristique, malheureusement. Une partie de tennis, jouée à l’extérieur, est influencée par de multiples facteurs humains et naturels : le soleil, le vent, la chaleur, la pluie, la fatigue, la concentration, l’attitude des gens qui assistent au match, etc. L’arbitre et les juges de ligne font aussi partie de l’expérience humaine du match. Leurs voix, leur attitude, leur habilité colorent le match pour le meilleur et parfois pour le pire. Ils forment une variable humaine qui bonifie l’expérience d’assister à ce spectacle passionnant qu’est le tennis professionnel. Or, la semaine dernière, on a plutôt eu droit à une expérience robotisée d’arbitrage, un genre de mauvais jeu vidéo. Même l’arbitre de chaise n’a jamais osé contredire la machine qui pourtant a de toute évidence commis quelques erreurs, rendant parfois son verdict après de longues millisecondes qui parurent des éternités. Et que dire de ces abominables cris toujours pareils, parfois inutiles, parfois absents et constamment vides d’humanité!

J’aime le tennis comme j’aime le théâtre, avec une part d’inconnue, d’imprévisibilité et de suspense. Les juges de lignes, qu’on a remplacées par des robots, faisaient partie de cet ensemble qui rend le spectacle encore plus intéressant. De grâce, revenez-nous l’an prochain avec plus d’humanité dans l’arbitrage et moins d’artificiel, fasse-t-il moins d’erreurs!

Paru dans Le Devoir du 17 août 2021 https://www.ledevoir.com/opinion/idees/625335/tennis-electronique

et dans La Presse du 17 août 2021 https://plus.lapresse.ca/screens/2a4ba27a-9a1d-48d6-a815-74196af7ff68__7C___0.html?utm_content=facebook&utm_source=lpp&utm_medium=referral&utm_campaign=internal%20share&fbclid=IwAR0eJ7rgchCtqL922tY1SbJxecT20E4uxuK5sFusfXNKOrqExrftBuvqTm8

Contamination par aérosols de la Covid-19

Il est grand temps que l’INSPQ admette la transmission par aérosols de la Covid-19 et agisse en conséquence en protégeant mieux les travailleuses de la santé, de l’éducation et des services de garde!

The Lancet, 15 avril 2021 : Ten scientific reasons in support of airborne transmission of SARS-CoV-2

Par: Trisha Greenhalgh, Jose L Jimenez, Kimberly A Prather, Zeynep Tufekci, David Fisman et Robert Schooley

[Traduction libre…] Document original : Ten scientific reasons in support of airborne transmission of SARS-CoV-2 – The Lancet

L’examen systématique de Heneghan et de ses collègues, financé par l’OMS, publié en mars 2021 et en pré impression, indique : « L’absence d’échantillons récupérables de culture virale du SRAS-CoV-2 empêche de tirer des conclusions fermes sur la transmission aéroportée ».‎1‎ Cette conclusion, ainsi que la large diffusion des conclusions de l’examen, sont préoccupantes en raison des répercussions sur la santé publique.‎

‎Si un virus infectieux se propage principalement par de grandes gouttelettes respiratoires qui tombent rapidement, les principales mesures de lutte sont la réduction du contact direct, le nettoyage des surfaces, les barrières physiques, la distanciation physique, l’utilisation de masques à distance de gouttelettes, l’hygiène respiratoire et le port d’une protection de haute qualité uniquement pour les procédures de soins de santé dites génératrices d’aérosols. De telles politiques n’ont pas besoin de faire la distinction entre l’intérieur et l’extérieur, puisqu’un mécanisme de transmission par gravité serait semblable pour les deux paramètres. Mais si un virus infectieux est principalement en suspension dans l’air, une personne pourrait être infectée lorsqu’elle inhale des aérosols produits lorsqu’une personne infectée expire, parle, crie, chante, éternue ou tousse. Pour réduire la transmission aérienne du virus, il faut prendre des mesures pour éviter l’inhalation d’aérosols infectieux, y compris la ventilation, la filtration de l’air, la réduction de l’encombrement et du temps passé à l’intérieur, l’utilisation de masques à l’intérieur, l’attention portée à la qualité et à l’ajustement des masques et une protection de qualité supérieure pour le personnel de santé et les travailleurs de première ligne.‎2 ‎ La transmission aérienne de virus respiratoires est difficile à démontrer directement.‎3

‎Les résultats mitigés d’études qui visent à détecter un agent pathogène viable dans l’air ne sont donc pas des motifs suffisants pour conclure qu’un agent pathogène n’est pas en suspension dans l’air si l’ensemble des preuves scientifiques indiquent le contraire. Des décennies de recherches minutieuses, qui n’incluaient pas la capture d’agents pathogènes vivants dans l’air, ont montré que les maladies autrefois considérées comme propagées par les gouttelettes sont en suspension dans l’air.‎4‎ Dix sources de données appuient collectivement l’hypothèse selon laquelle le SRAS-CoV-2 est transmis principalement par la route aérienne.‎5

Premièrement, les événements de contagion élevée s’expliquent par une transmission importante du SRAS-CoV-2; en effet, de tels événements peuvent être les principaux moteurs de la pandémie.‎6‎ Des analyses détaillées des comportements et des interactions humaines, de la taille des pièces, de la ventilation et d’autres variables dans les concerts de chorales, les navires de croisière, les abattoirs, les foyers de soins et les établissements correctionnels, entre autres, ont montré des modèles, par exemple, la transmission à longue portée et la dispersion élevée du nombre de reproduction de base (R‎ 0‎), discuté ci-dessous , compatible avec la propagation aérienne du SRAS-CoV-2 qui ne peut pas être adéquatement expliquée par des gouttelettes ou des vecteurs passifs.‎6‎ L’incidence élevée de tels événements suggère fortement la dominance de la transmission d’aérosols.‎

Deuxièmement, la transmission à longue portée du SRAS-CoV-2, entre les personnes vivant dans des chambres adjacentes, mais jamais en présence de l’autre, n’a été documentée dans les hôtels de quarantaine.‎7‎ Historiquement, il n’était possible de prouver la transmission à longue portée qu’en l’absence totale de transmission communautaire.‎4

‎Troisièmement, la transmission asymptomatique ou pré symptomatique du SRAS-CoV-2, par des personnes qui ne toussent pas ou n’éternuent pas, est susceptible de représenter au moins un tiers, et peut-être jusqu’à 59 %, de toute transmission à l’échelle mondiale et est un moyen clé de propagation du SRAS-CoV-2 dans le monde entier,‎8‎ d’un mode de transmission principalement aéroporté. Les mesures directes montrent que parler produit des milliers de particules d’aérosol et peu de grosses gouttelettes,‎9‎ qui prennent la voie aérienne.‎

Quatrièmement, la transmission du SRAS-CoV-2 est plus élevée à l’intérieur qu’à l’extérieur‎10‎ et est considérablement réduite par la ventilation intérieure.‎5‎ Les deux observations soutiennent une voie de transmission principalement aéroportée.‎

Cinquièmement, les infections nosocomiales ont été documentées dans les organisations de soins de santé, où il y a eu des précautions strictes en matière de contact et de gouttelette et l’utilisation d’équipement de protection individuelle (EPI) conçu pour se protéger contre l’exposition aux gouttelettes, mais pas aux aérosols.‎11

Sixièmement, un SRAS-CoV-2 viable a été détecté dans l’air. Dans le cadre d’expériences en laboratoire, le SRAS-CoV-2 est resté infectieux dans l’air jusqu’à 3 h avec une demi-vie de 1·1 h.‎12‎ Le SRAS-CoV-2, toujours viable, a été identifié dans des échantillons d’air provenant de pièces occupées par des patients covid-19 en l’absence de procédures de soins de santé génératrices d’aérosols‎13‎ et dans des échantillons d’air de la voiture d’une personne infectée.14‎ Bien que d’autres études n’aient pas permis de saisir le SRAS-CoV-2 viable dans les échantillons d’air, il faut s’y attendre. L’échantillonnage du virus en suspension dans l’air est techniquement difficile pour plusieurs raisons, y compris l’efficacité limitée de certaines méthodes d’échantillonnage pour la collecte des particules fines, la déshydratation virale pendant la collecte, les dommages viraux dus aux forces d’impact (entraînant une perte de viabilité), la ré-aérosolisation du virus pendant la collecte et la rétention virale dans l’équipement d’échantillonnage.‎3‎ La rougeole et la tuberculose, deux maladies principalement aéroportées, n’ont jamais été cultivées dans l’air d’une pièce.‎15

‎Septièmement, le SRAS-CoV-2 a été identifié dans les filtres à air et les conduits d’aération dans les hôpitaux avec des patients atteints de COVID-19; ces emplacements ne pouvaient être atteints que par des aérosols.‎16

‎Huitièmement, des études portant sur des animaux en cage, infectés, qui étaient reliés à des animaux non infectés en cage séparée par l’intermédiaire d’un conduit d’air ont montré une transmission du SRAS-CoV-2 qui ne peut être expliquée adéquatement que par des aérosols.‎17

‎Neuvièmement, aucune étude, à notre connaissance, n’a fourni de preuves solides ou cohérentes pour réfuter l’hypothèse d’une transmission aéroportée du SRAS-CoV-2. Certaines personnes ont évité l’infection par le SRAS-CoV-2 lorsqu’elles ont partagé de l’air avec des personnes infectées, mais cette situation pourrait s’expliquer par une combinaison de facteurs, y compris la variation de la quantité d’excrétion virale entre les personnes infectieuses par plusieurs ordres de grandeur et différentes conditions environnementales (en particulier de ventilation).‎18‎ Les variations individuelles et environnementales signifient qu’une minorité de cas primaires (notamment les individus qui excédent des niveaux élevés de virus à l’intérieur, des environnements surpeuplés avec une mauvaise ventilation) représentent la majorité des infections secondaires, ce qui est étayé par des données de recherche de contacts de haute qualité provenant de plusieurs pays‎19, 20‎.Une grande variation de la charge virale respiratoire du SRAS-CoV-2 balaie les arguments selon lesquels le SRAS-CoV-2 ne peut pas être en suspension dans l’air parce que le virus a un R plus faible‎‎ (estimé à environ 2·5)‎21‎, rougeole (estimée à environ 15),‎22‎ d’autant plus que R‎ 0‎, qui est une moyenne, ne tient pas compte du fait que seule une minorité d’individus infectieux perdent de grandes quantités de virus. La dispersion élevée de R‎ 0 est bien documenté dans la COVID-19.‎23

‎Dixièmement, il y a peu de preuves à l’appui d’autres voies dominantes de transmission, c’est-à-dire la gouttelette respiratoire ou le vecteur passif (fomite) ‎9 , 24‎ . La facilité d’infection entre les personnes proches les unes des autres a été citée comme preuve de la transmission respiratoire des gouttelettes du SRAS-CoV-2. Cependant, la transmission à proximité dans la plupart des cas ainsi que l’infection lointaine pour quelques-uns lors du partage de l’air est plus susceptible de s’expliquer par la dilution des aérosols expirés avec la distance d’une personne infectée.‎9‎ L’hypothèse erronée selon laquelle la transmission par proximité implique de grandes gouttelettes respiratoires ou vecteurs passifs (fomites) a toujours été utilisée pendant des décennies pour nier la transmission aérienne de la tuberculose et de la rougeole15 25‎ . Cela est devenu un dogme médical, ignorant les mesures directes des aérosols et des gouttelettes qui révèlent des défauts tels que le nombre écrasant d’aérosols produits dans les activités respiratoires et la limite arbitraire de la taille des particules de 5 μm entre les aérosols et les gouttelettes, au lieu de la limite correcte de 100 μm‎1525‎ . On soutient parfois que puisque les gouttelettes respiratoires sont plus grosses que les aérosols, elles doivent contenir plus de virus. Toutefois, dans les maladies où les concentrations d’agents pathogènes ont été quantifiées par la taille des particules, les aérosols plus petits présentaient des concentrations pathogènes plus élevées que les gouttelettes lorsque les deux ont été mesurées.‎15

‎En conclusion, nous proposons qu’il s’agit d’une erreur scientifique d’utiliser l’absence de preuves directes du SRAS-CoV-2 dans certains échantillons d’air pour jeter le doute sur la transmission aérienne tout en négligeant la qualité et la solidité de la base globale de données probantes. Il existe des preuves solides et cohérentes que le SRAS-CoV-2 se propage par transmission aérienne. Bien que d’autres itinéraires puissent y contribuer, nous croyons que la route aérienne est susceptible d’être dominante. Le milieu de la santé publique devrait agir en conséquence et sans plus tarder.‎

References:

TG’s research is funded by the National Institute for Health Research ( BRC-1215-20008 ), Economic and Social Research Council ( ES/V010069/1 ), and Wellcome ( WT104830MA ). JLJ is supported by the US National Science Foundation ( AGS-1822664 ). KAP is supported by the US National Science Foundation Center for Aerosol Impacts on the Chemistry of the Environment (CHE-1801971). DF is funded by the Canadian Institutes for Health Research (2019 COVID-19 rapid researching funding OV4-170360). RS is supported by the National Institute of Allergy and Infectious Diseases (AI131424). We declare no other competing interests.

References

  1. Heneghan C, Spencer E, Brassey J, et al.

SARS-CoV-2 and the role of airborne transmission: a systematic review.

F1000Research. 2021; (published online March 24.) (preprint).

https://doi.org/10.12688/f1000research.52091.1

2. Prather KA, Wang CC, Schooley RT

Reducing transmission of SARS-CoV-2.

Science. 2020; 6498: 1422-1424

  1. Pan M, Lednicky JA, Wu CY

Collection, particle sizing and detection of airborne viruses.

J Appl Microbiol. 2019; 127: 1596-1611

4. Gelfand HM, Posch J

The recent outbreak of smallpox in Meschede, west Germany.

Am J Epidemiol. 1971; 93: 234-237

5. Morawska L, Milton DK

It is time to address airborne transmission of coronavirus disease 2019 (COVID-19).

Clinical Infect Dis. 2020; 71: 2311-2313

6. Lewis D

Superspreading drives the COVID pandemic—and could help to tame it.

  1. Eichler N, Thornley C, Swadi T, et al.

Transmission of severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 during border quarantine and air travel, New Zealand (Aotearoa).

Emerging Infect Dis. 2021; (published online March 18.)

  1. Johansson MA, Quandelacy TM, Kada S, et al.

SARS-CoV-2 transmission from people without COVID-19 symptoms.

  1. Chen W, Zhang N, Wei J, Yen H-L, Li Y

Short-range airborne route dominates exposure of respiratory infection during close contact.

  1. Bulfone TC, Malekinejad M, Rutherford GW, Razani N

Outdoor transmission of SARS-CoV-2 and other respiratory viruses: a systematic review.

  1. Klompas M, Baker MA, Rhee C, et al.

A SARS-CoV-2 cluster in an acute care hospital.

Ann Intern Med. 2021; (published online Feb 9.)

  1. Van Doremalen N, Bushmaker T, Morris DH, et al.

Aerosol and surface stability of SARS-CoV-2 as compared with SARS-CoV-1.

New Engl J Med. 2020; 382: 1564-1567

  1. Lednicky JA, Lauzard M, Fan ZH, et al.

Viable SARS-CoV-2 in the air of a hospital room with COVID-19 patients.

Int J Infect Dis. 2020; 100: 476-482

  1. Lednicky JA, Lauzardo M, Alam MM, et al.

Isolation of SARS-CoV-2 from the air in a car driven by a COVID patient with mild illness.

medRxiv. 2021; (published online Jan 15.) (preprint).

https://doi.org/10.1101/2021.01.12.21249603

  1. Fennelly KP

Particle sizes of infectious aerosols: implications for infection control.

Lancet Respir Med. 2020; 8: 914-924

  1. Nissen K, Krambrich J, Akaberi D, et al.

Long-distance airborne dispersal of SARS-CoV-2 in COVID-19 wards.

Sci Rep. 2020; 10: 1-9

  1. Kutter JS, de Meulder D, Bestebroer TM, et al.

SARS-CoV and SARS-CoV-2 are transmitted through the air between ferrets over more than one meter distance.

Nat Commun. 2021; 12: 1-8

  1. Schijven J, Vermeulen LC, Swart A, Meijer A, Duizer E, de Roda Husman AM

Quantitative microbial risk assessment for airborne transmission of SARS-CoV-2 via breathing, speaking, singing, coughing, and sneezing.

Environ Health Perspect. 2021; 12947002

  1. Sun K, Wang W, Gao L, et al.

Transmission heterogeneities, kinetics, and controllability of SARS-CoV-2.

Science. 2021; 371eabe2424

  1. Laxminarayan R, Wahl B, Dudala SR, et al.

Epidemiology and transmission dynamics of COVID-19 in two Indian states.

Science. 2020; 370: 691-697

  1. Petersen E, Koopmans M, Go U, et al.

Comparing SARS-CoV-2 with SARS-CoV and influenza pandemics.

Lancet Infect Dis. 2020; 20: e238-e244

  1. Guerra FM, Bolotin S, Lim G, et al.

The basic reproduction number (R0) of measles: a systematic review.

Lancet Infect Dis. 2017; 17: e420-e428

  1. Endo A, Abbott S, Kucharski AJ, Funk S

Estimating the overdispersion in COVID-19 transmission using outbreak sizes outside China.

Wellcome Open Res. 2020; 5: 67

  1. Goldman E

Exaggerated risk of transmission of COVID-19 by fomites.

Lancet Infect Dis. 2020; 20: 892-893

  1. Tang JW, Bahnfleth WP, Bluyssen PM, et al.

Dismantling myths on the airborne transmission of severe acute respiratory syndrome coronavirus (SARS-CoV-2).

J Hosp Infect. 2021; 110: 89-96

Article Info: The Lancet, April 15, 2021

Identification: DOI: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)00869-2

Copyright © 2021 Elsevier Ltd. All rights reserved.

Une commission d’enquête sur les CHSLD ?

On parle de plus en plus d’une possible commission d’enquête sur les centres d’hébergement pour personnes âgées, en réponse aux multiples ratées survenues pendant la pandémie de coronavirus COVID-19. Mais de quoi parlera-t-on au juste? D’une commission dont le rapport est déjà voué aux tablettes poussiéreuses de l’histoire ou dont le rapport est déjà «écrit» dans la tête de nos dirigeants? D’une commission «complaisante», composée de personnes vouées à la continuité fondamentale du système actuel? Ou bien veut-on vraiment changer les choses et organiser des soins de qualité pour les personnes plus âgées qui ont besoin de services à domicile ou en établissement?

J’ai suivi toutes les réformes du réseau de la santé depuis plus de quarante ans et j’ai vu des commissions proposer parfois des aberrations tout comme de bonnes idées. J’ai surtout vu des propositions prôner sans vergogne la privatisation des services, ou encore leur supposée socialisation vers des organisations sous financées du communautaire ou non. D’ailleurs, plusieurs personnes ayant promu ces idées reviennent aujourd’hui mousser publiquement leurs idées, prétextant que si on les avait écoutées vraiment, il y aurait eu moins de problèmes durant cette crise. Avec des si…

Puisque je ne serai certainement pas approché pour faire partie de cette commission, je me permets de faire quelques suggestions. D’abord, il faut rejeter l’idée d’exclure a priori des personnes associées à des groupes de pression. Je pense entre autres au Conseil pour la protection des malades ou à des organisations syndicales représentant tous les titres d’emplois en milieu hospitalier, centres d’hébergement et à domicile. Et oui, je prêche pour ma paroisse, mais la CSN représente toutes ces travailleuses depuis les années 1960! Il faut aussi songer sérieusement à inviter un médecin qui œuvre à domicile et en CHSLD; l’ancienne association de médecins en CLSC pourrait sans doute proposer des noms très intéressants.

Il faut aussi intégrer quelques personnes qui connaissent bien les méandres du réseau : soit d’anciens hauts fonctionnaires «fonctionnels», soit des directrices générales de CHSLD en fonction ou à la retraite, ayant démontré des capacités d’innovation ou de réaction rapide et efficace lors de la pandémie. Finalement, il faut adjoindre à ces personnes des chercheurs universitaires de haut niveau dans ce domaine; soit des «penseurs universitaires» tel Damien Contandriopoulos par exemple, soit des «chercheurs terrain», souvent médecins-gériatres et professeurs à l’université.

Depuis des années, nous savons que le meilleur système de maintien et de soins à domicile, tout comme en institution, doit être un service public offert sans discrimination économique. Il doit aussi être organisé dans la communauté et mettre en place des mécanismes de détection, de prévention, ainsi que des services de maintien et de soins donnés par du personnel bien formé, bien rémunéré et travaillant dans des équipes multidisciplinaires. Et comme on l’a vu cet hiver, il faut des organisations flexibles, capables de développer rapidement une réaction intelligente et ordonnée face à une crise appréhendée, mais imprévisible. Sans tout cela, un changement ne sera que cosmétique.

27 mai 2020

Publié dans Le Devoir le 3 juin 2020 https://www.ledevoir.com/opinion/idees/580079/propositions-pour-une-commission-d-enquete-sur-les-centres-d-hebergement

Ça va bien aller… mais ça va mal finir!

Ça va bien aller… mais ça va mal finir!

Dès le début du confinement dû à la pandémie, le slogan «Ça va bien aller!» m’a inspiré cette suite dramatique : «mais ça va mal finir…». Non pas que je sois devin, ni particulièrement pessimiste, mais plutôt parce que je connais bien notre réseau de la santé et le niveau de détresse qu’avaient les personnels bien avant le début de cette crise. Plusieurs oublient trop facilement que depuis le début des années quatre-vingt tous les gouvernements ont réduit les conditions de travail du personnel du réseau. Des «gras durs de l’état», comme certains ministres péquistes les appelaient alors, jusqu’aux tribulations schizophrènes des ministres-médecins des quinze dernières années qui ont tenté de transformer nos hôpitaux en chaînes de montage industrielles, le réseau de la santé et les «anges gardiens» qui y travaillent ont été compressés, comprimés et déprimés jusqu’à la dernière goutte. Tous ceux qui ont dénoncé cet état de fait, les syndicats aux premières loges, les médecins progressistes, les comités de malades et certains avocats qui les «défendent», n’ont pas réussi à soulever l’intérêt public au point d’atteindre nos politiciens obnubilés par les baisses d’impôts et les déficits zéro. Nous avons donc amorcé cette «guerre» avec des soldats épuisés et mal équipés.

L’armée d’anges gardiens…

En tant que pacifiste, je n’aime pas cette analogie guerrière et j’aurais préféré celle d’une «grande corvée solidaire» pour faire face à ce désastre naturel. Mais bon, continuons l’analogie de notre armée d’anges gardiens pour mieux comprendre pourquoi nous en sommes rendus là.

Si vous croyez que les soldats n’ont pas peur lorsqu’ils montent au front, vous vous trompez. Depuis des années, les survivants des deux grandes guerres mondiales nous ont raconté cette peur qui les tenaillait à l’approche des grands débarquements ou des assauts qu’ils ont dû subir pour «défendre la patrie». Qu’est-ce qui motive un soldat à risquer sa vie? Bien sûr certains s’engagent en espérant ne pas avoir à subir le feu de l’ennemi. Mais si on n’a pas été «conscrit», on s’engage dans l’armée pour avoir un travail, de meilleures conditions de «vie» et aussi pour défendre une cause. Qu’est-ce qui nous permet ensuite d’accepter de risquer notre vie dans ce «travail» difficile? D’abord et avant tout la confiance. Confiance en nos camarades de combat, confiance en nos équipements et confiance en nos chefs, du sergent jusqu’au général. Pour risquer sa vie, on doit croire qu’on a la bonne cause, la bonne stratégie, que nos compagnons de route nous porteront secours en cas de problème et que notre fusil ne s’enrayera pas dès le premier tir. Cette confiance n’enlève pas la peur, mais elle permet de faire pencher la balance vers le combat plutôt que vers la désertion.

La confiance…

Revenons au réseau de la santé. Toutes les réformes qui ont bousculé le réseau et surtout les travailleuses qui y œuvrent ont été dénoncées par celles-ci depuis des années. Avez-vous entendu une seule organisation de travailleuses qui a encensé une de ces réformes depuis vingt ans? Toutes les études sur le niveau de stress et l’état mental et physique des travailleuses du réseau nous indiquaient que la détresse était fortement présente partout, dans la santé comme le social, dans les établissements comme dans les soins à domicile. Les ministres et le personnel-cadre qui ont appliqué ces réformes et ces compressions n’avaient pas vraiment la confiance des personnels. Certains cadres ont peut-être réussi à conserver un certain respect des employés, mais ceux-ci savaient depuis longtemps que la structure de gestion priorisait bien d’autres choses que les conditions de travail et de vie des employés. Les stratégies déployées depuis des années ne visaient pas vraiment non plus à améliorer les services, mais plutôt à en réduire les coûts. Bref, les «soldats» n’avaient pas confiance en leurs dirigeants ni en leurs stratégies…

Les équipements…

Quant aux équipements, il faut rappeler que les employeurs ne fournissent pas les uniformes à tout le personnel pour comprendre que notre «armée» est bien souvent nue devant les agents pathogènes qu’elle tente de combattre. Y a-t-il une seule armée sur la planète qui ne fournit pas l’uniforme à tous ses soldats? De plus, nos anges gardiens reviennent trop souvent à la maison en portant leurs vêtements «souillés», utilisant les transports en commun, car ils n’ont pas de vestiaires sur les lieux de travail ou doivent laver eux-mêmes leurs uniformes… Avec les coupures subies depuis des années, il n’est pas rare de manquer d’équipement au travail. Alors, dès le début de la pandémie des doutes ont surgi rapidement lorsque les employeurs ont rationné les équipements de protection comme les masques et les jaquettes de protection. Les normes de protection ont même été ajustées à la baisse à cause du manque d’équipement! Pourtant, en 2006, un rapport du ministère de la Santé avait prévu, sur papier du moins, l’organisation des mesures préventives en cas de pandémie, prévoyant entre autres des réserves suffisantes d’équipements de protections. Mais c’était sans compter sur l’incurie administrative qui a laissé ces réserves s’épuiser ou se corrompre dans des entreposages mal gérés. Le document de 2006, dans un sursaut de réalisme, indiquait pourtant qu’en cas de pandémie, tous les pays chercheraient à se procurer simultanément des équipements et qu’il fallait donc en prévoir des réserves importantes… Bref, nos «soldats» du réseau savaient que celui-ci risquait de les envoyer au front sans l’équipement adéquat.

Les camarades…

Il restait, pour nos anges gardiens, la rassurante complicité des camarades de travail en cas de coup dur. Encore là, l’organisation du travail dans le réseau a parcellisé et parfois même détruit la notion d’équipe de travail stable au profit de la sacro-sainte mobilité des individus. Le personnel n’y est vu que comme une ressource interchangeable, qu’on déplace selon le bon vouloir de «répartiteurs», ceux-ci ne tenant jamais compte des besoins des bénéficiaires des services et encore moins des complicités pouvant souder une équipe. Des agences de placement envoient aussi des «mercenaires» insensibilisés au travail d’équipe un peu partout, leur flexibilité étant valorisée comme l’élément prioritaire des soins. Cette «insensibilisation des soins» a été combattue dans plusieurs équipes de travail, mais le travail de sape a fait son œuvre. Si bien qu’en cas de coup dur, plusieurs ont senti qu’ils ne pouvaient plus compter sur un total appui de ceux et celles qui les entouraient «sur le plancher» parce qu’ils ne formaient plus un «bataillon» habitué d’intervenir ensemble, mais plutôt des individus disséminés dans différents départements, différents établissements, au hasard des disponibilités et des affectations. Bref, malgré de nombreuses exceptions d’équipes dévouées et soudées, une grande partie du réseau ne comporte pas d’équipes autonomes, capables de réagir rapidement et efficacement à une attaque imprévue.

Des déserteurs?

Depuis le début de la pandémie, j’ai été scandalisé par les dirigeants politiques qui disaient que des milliers de travailleuses étaient absentes du réseau parce qu’elles étaient atteintes de la maladie du Covid-19 ou en quarantaine ou avaient peur que le virus ne les infecte! Comme si ces personnes étaient responsables de la pénurie de personnel dans le réseau! D’abord et avant tout, le réseau manquait de personnel AVANT le début de la pandémie. Les anges gardiens ne sont pas non plus immunisés contre les maladies que subit la population en général! Des problèmes cardiaques, des cancers, des épuisements professionnels et autres fléaux frappent régulièrement une bonne partie des 275,000 personnes qui travaillent dans le réseau. Ensuite, si des gens sont infectés par la Covid-19 ou en quarantaine, c’est très souvent parce qu’ils n’ont pas été protégés adéquatement alors qu’ils travaillaient auprès de personnes malades et infectées par le virus. Parfois, on les a même obligés à travailler bien qu’ils montraient des symptômes de la maladie ! On les a aussi laissés travailler d’un département à l’autre, d’un établissement à l’autre, de sorte qu’en soignant ils ont involontairement propagé l’infection. Ce manque d’intelligence dans l’organisation de leur travail ne dépend pas d’eux, mais d’un réseau tentaculaire et bureaucratisé, chapeauté par une structure centralisée incontrôlable.

La peur…

Finalement, la peur… Peut-on reprocher à un soldat qui ne croit plus à ses généraux, à leurs stratégies improvisées, qui voit ses armes s’enrayer à chaque tir et dont les équipements sont manquants et qui, en plus, ne reconnait même plus les membres de son bataillon, peut-on lui reprocher de déserter? Surtout si ce soldat «ange gardien» peut rapporter la mort dans sa famille comme il l’a peut-être fait avec les gens qu’il pensait soigner? Personne ne connaît vraiment le nombre de soldats du réseau qui ont déserté. On a d’ailleurs vu les médecins spécialistes rechigner à s’engager comme volontaires au milieu de la bataille des CHSLD, considérant sans doute à juste titre que les «ordres» étaient confus, les équipements manquants et l’impact de leur présence plus à risque pour l’avenir qu’efficace à court terme…  Personnellement, je ne crois pas qu’il y en ait des milliers qui aient fui le champ de bataille. Je sais que plusieurs ont démissionné carrément, n’étant plus capables de supporter les conditions d’exercice de leur profession. Les travailleuses du réseau que j’ai côtoyées tout au long de ma vie ont toujours démontré beaucoup de courage et même d’abnégation. Je ne crois pas qu’elles soient soudainement devenues des «déserteuses» devant une maladie, aussi mortelle soit-elle.

Rassurer, oui. Mais sans mentir!

Il était peut-être de la responsabilité des dirigeants publics de rassurer la population au début du «conflit» en leur lançant des «ça va bien aller». Mais ils savaient aussi que «ça allait mal finir» parce que nous n’étions pas prêts pour la bataille. Ils savaient que des endroits comme les centres pour personnes âgées allaient défaillir puisqu’ils les avaient fragilisés eux-mêmes depuis tant d’années. Ils savaient que l’organisation du travail allait faire en sorte de propager le virus d’un département à l’autre, d’un établissement à l’autre. Ils savaient qu’ils avaient vidé les entrepôts des équipements nécessaires à la protection des travailleuses de la santé. Ils savaient que le personnel était déjà au bord de l’épuisement et que la pandémie allait en mettre KO plusieurs milliers à cause de la surcharge de travail qu’on allait leur imposer. Ils savaient que ça allait mal finir pour celles et ceux qui étaient les plus fragiles, anges gardiens ou bénéficiaires.

Sachant tout cela, nos dirigeants politiques devraient cesser de laisser entendre que des milliers de personnes ont fui le champ de bataille. Ils devraient plutôt remercier concrètement tous les personnels de la santé et des services sociaux. Ils devraient annoncer dès maintenant qu’ils vont réinvestir dans ces réseaux pour redonner une dignité concrète aux malades et personnes hébergées tout en donnant aux personnels de meilleures conditions d’exercice de leurs professions et une autonomie professionnelle qui va les rendre fiers d’y œuvrer.

Si, au sortir de cette crise, la population du Québec ne se souvient pas des erreurs qui ont été commises et qui ont mené à la situation désastreuse actuelle, on pourra alors imprimer dès maintenant le slogan de la prochaine épidémie : Ça va mal finir!

Louis Roy

12 mai 2020

Genderfu*ckr

Genderf*cker

Pascale Drevillon Photo Le Devoir Olivier Sylvestre

Créatrice et performeuse : Pascale Drevillon. Mise en scène : Geoffrey Gaquère. Adjointe de production et comédienne : Andréanne Samson. 4 août 2018,  ZH Festival, Maison de la culture Maisonneuve, Montréal.

On arrive au monde en sortant d’un premier cocon, le placenta maternel. Une arrivée difficile, mais le pire est à venir… Apprendre à manger, marcher, parler, aimer; apprendre à vivre avec soi et avec les autres. Pour certains, tout se passe sans trop de heurts, sans vraiment se poser de questions. Pour d’autres, c’est moins évident. Un autre cocon les enveloppe, les empêchant d’être bien dans leur peau, cette enveloppe charnelle, consolidée par la culture et la société, refusant de les laisser sortir de leur prison intérieure.

Définis par les autres, ils s’enfoncent dans des stéréotypes qui les grugent jusqu’à la moelle. C’est cet univers que Pascale Drevillon nous propose de côtoyer durant les quatre heures que dure sa prestation.

Une prestation coup de poing, donné au ralenti mais qui secoue férocement le nid des certitudes de ceux qui traversent la vie, aveugles aux nuances et à l’ostracisme dont sont frappés «les autres» qui ne se retrouvent pas dans les normes binaires, blanc ou noir, homme ou femme, homo ou hétéro, bon ou mauvais… Une forme de méditation pleine conscience, à suivre en voyeur chaque petit geste qui nous définit, au fil des transformations de la performeuse. Un triptyque de la transformation d’un homme vers un corps de femme, entrecoupé d’une période où ces définitions binaires n’ont plus de sens.  Puis, la délivrance, l’atteinte du nirvana recherché! Mais là aussi un autre cocon l’attend : «je ne voulais pas être qu’une femme, je voulais être LA femme». D’autres stéréotypes viennent alors corseter le corps désiré, désirable tout autant que détesté.

Rechercher son identité n’est pas une mince affaire. Et même lorsqu’on l’a trouvée, il faut renaître encore une fois. Réapprendre à marcher, à parler, à aimer, à vivre quoi!

Quatre heures c’est long et court à la fois. Long pour une mise en scène à la «punch line». Court pour une transformation aussi fondamentale que celle de Pascale Drevillon!

Louis Roy

4 août 2018

Photo Le Devoir, Olivier Sylvestre.

https://www.ledevoir.com/culture/theatre/533766/genderf-cker-voyage-dans-la-fluidite-du-genre

 

 

Journée nationale des Patriotes

Journée nationale des Patriotes

Mes ancêtres sont arrivés ici, lui comme soldat dans le Régiment de Carignan-Salières et elle comme Fille du Roy. Comme bien d’autres, ils fuyaient la pauvreté, la peste, la misère des paysans. Ils y étaient aussi poussés par l’appétit sans borne des rois qui n’en avaient que pour la conquête de territoires aux dépens de soldats, de pauvres gens, chairs à canon, kamikazes désignés sur des champs de bataille sanglants.

Suite à une traversée sans confort ni plaisir, ils construisirent des forts pour barrer la route aux Iroquois, un peuple fier qui ne faisait que défendre ses lieux d’habitation et de commerce, si petits sur un territoire si grand. Ils construisirent des cabanes pour loger leurs espoirs sur des terres devenues propriétés des communautés religieuses et des nouveaux seigneurs d’un pays à construire. Une fois la paix intervenue avec les premières nations, plusieurs choisirent de demeurer ici, dans ce qui leur semblait un paradis de liberté comparé aux campagnes françaises.

Plusieurs rencontrèrent la véritable liberté en côtoyant ces premiers habitants qui occupaient le territoire depuis des millénaires, y vivant très près de la nature. Ils y découvrirent une autre logique, une autre façon de vivre dans l’harmonie et dans la solidarité, en affrontant un climat aussi hostile qu’accueillant.

D’autres profitèrent des ressources naturelles pour développer une économie marchande qui fut récupérée plus tard par un autre envahisseur, les Anglais. La plupart s’installèrent dans le paisible mais difficile rôle de laboureurs, les femmes élevant une multitude d’enfants pour assurer la relève et la survie de la nation.

Pour tous, les difficultés furent nombreuses : maladies, sécheresses, froid brûlant, feux de forêts ou de leurs pauvres maisons. Mais pour eux, il n’était pas question de revivre la misère d’alors de leur pays natal. Ils s’enracinèrent ici, tant bien que mal, dans une résistance passive mais déterminée.

L’abandon par la France et la domination anglaise qui s’en suivit furent une raison supplémentaire de repli sur soi, sur sa religion, sa langue, sa culture. On leur permit une certaine liberté, illusion d’une enclave franco-catholique en Amérique protestante.

Aussi, lorsque les Patriotes tentèrent de réveiller ce peuple à nouveau soumis, de lui rappeler ce qu’était la liberté qu’ils étaient venus chercher ici, ils se butèrent à cette peur de devoir tout reprendre à zéro comme durent le faire des milliers d’Acadiens. Ceux qui voyaient l’avenir de ce peuple français en terre d’Amérique s’étioler et qui comprenaient que sans relever la tête elle finirait par tomber au sol, ceux-là tentèrent de soulever une rébellion qui incluait tout autant les immigrants anglophones opposés au roi d’Angleterre. Cependant, lutter contre cet empire ne pouvait réussir sans l’appui d’une autre grande nation. C’était un échec annoncé.

Mais, pour l’histoire, les échecs ne sont souvent que la semence d’une future victoire. Sans la rébellion de 1837, il n’y aurait peut-être pas eu cette remontée d’une nouvelle volonté de liberté dans ce qu’on a appelé la Révolution tranquille et ses suites politiques. Pendant plus de cent ans, on nous avait occulté ce pan de notre histoire, préférant nous parler de Madeleine de Verchères ou de Dollard des Ormeaux. Aujourd’hui, cette belle première journée d’été nous permet un repos bien mérité, alors que la renaissance de la nature peut inspirer autant les poètes que les militants pour un pays inclusif. Que cette Journée des Patriotes puisse nous rappeler un tant soit peu cette volonté de liberté et d’inclusion qui doit toujours nous guider.

Vive la Liberté!

Élections fédérales : La piscine à vagues!

Les cent premières années du Canada se sont déroulées dans une seule et unique atmosphère électorale, celle du bipartisme. Le pouvoir est donc passé des bleus aux rouges, puis des rouges aux bleus dans une alternance permettant un développement relativement comparable entre les régions du Canada. Les méthodes électorales étaient simples : promesses de routes et corruption du vote, le tout agrémenté de claques sur la gueule et de boîtes de scrutin à double fond. Avec l’ère de la rectitude politique, les partis politiques ont développé de nouvelles formes de tromperies pour le bon peuple : publicité négative, faux débats télévisés, enjeux identitaires faussés ou politiques de division ont pris la relève des batailles physiques. Mais les promesses et la corruption sont quand même demeurées des éléments constitutifs du système électoral uninominal à un tour. Les lobbyistes s’assurent maintenant que le système est bien graissé, mais légal…

Au Québec nous avons ajouté un ingrédient subversif aux élections fédérales, la souveraineté du Québec. Ainsi, dans les années 1960 et 1970, nous avons choisi d’ignorer la diversité canadienne pour la réduire à une vision bipolaire : les indépendentistes d’un côté et les méchants «canadian red necks» anti québécois de l’autre. Bien que l’exploitation des canadiens français par une élite anglophone fut une réalité incontestable de notre histoire, nous avons oublié qu’il y avait aussi au Canada les nations autochtones, les pêcheurs ancestraux de Terre Neuve, les acadiens des Maritimes, les franco ontariens, les métis et les francos des Prairies, les immigrants européens de l’est et les britanno colombiens plus intéressés par l’Asie et la Côte ouest américaine que par leurs lointains colocataires au Québec. Bref, nous avons oublié que le Canada «uni contre nous» n’existait pas. Du moins pas au point de créer chez ses habitants, coast to coast, une appartenance identitaire unique. Peut-être même que notre volonté de réinventer le Québec comme un pays souverain, a-t-elle permis, enfin, à un gouvernement central de définir ce qu’était ce Canada dans lequel ils voulaient vivre. Pierre Trudeau a pu alors se permettre d’écrire la recette de ce nouveau pays, vieux de plus de cent ans : une charte des droits, une forme de multiculturalisme courtepointe et une identité pacifiste internationale, sans parler d’une Constitution faussement rapatriée pour laquelle le Québec n’a pas eu son mot à dire.

Après 25 ans de polarisation politique, au début des années 1990, la deuxième défaite référendaire des indépendantistes avait été précédée d’une première vague électorale québécoise qui envoyait, du Québec à Ottawa, une majorité de députés «séparatistes». Cette sortie du bipartisme habituel allait marquer un tournant qui semble se poursuivre encore aujourd’hui. Plusieurs électeurs ont de plus compris que peu importe qui gouverne ce pays, ce ne sont pas les députés qui influencent l’avenir, ni même le chef de la formation politique majoritaire. Au pouvoir ou dans l’opposition, les politiques néolibérales continuent leur gros bonhomme de chemin, sans se préoccuper des gouvernements «locaux», si ce n’est pour leur soutirer encore plus de privilèges pour les banquiers, multinationales et financiers du monde. L’establishment n’est plus «canadian red neck», il est planétaire. Les élections locales ne servent donc qu’à choisir avec quelle intensité nous allons subir les contrecoups des crises économiques d’un système en folie, les problèmes de pollution et de dérèglement du climat, ainsi que les attaques à nos services collectifs et à nos conditions de vie au travail.

Vu comme ça, la fidélité à un parti n’a plus de sens. Il vaut mieux choisir celui qui nous fera le moins mal et nous permettra de vivre encore quelques années dans l’inconscience de ce qui nous attend. Ou, pour les plus optimistes, cela permet de préparer les conditions pour un jour changer le système de fou dans lequel nous vivons. Nous sommes entrés dans l’ère politique de la piscine à vagues! Et comme disait Bob Dylan en 1964, dans sa chanson The Time They Are a-Changing, il serait grandement temps d’apprendre à nager! «Then you better start swimmin’, Or you’ll sink like a stone.»

Louis Roy

Paru dans Le Devoir du 22 octobre 2015