Archives mensuelles : juillet 2015

Chercher la vie extraterrestre?

Cette semaine, la NASA nous annonçait qu’elle avait trouvé, à une distance de 1,400 année-lumière, une planète similaire à la Terre dans une possible zone climatique où la vie, telle qu’on la connaît, aurait pu se développer depuis plus longtemps encore que sur Terre. De quoi stimuler fortement les imaginations scientifiques ou romanesques! Nous aurions donc une planète sœur et, pourquoi pas, de lointains cousins, plus âgés, aussi «seuls» que nous dans l’univers…

Et pourtant, selon des chercheurs, il y aurait plusieurs milliards de planètes pouvant abriter une vie semblable à la nôtre dans notre univers. Pour d’autres, notre univers ne serait pas unique, mais ferait partie d’un ensemble d’autres «multivers» contenant eux aussi leurs parts de galaxies, systèmes solaires et, évidemment, planètes pouvant contenir une vie chimiquement semblable à la nôtre… Bref, la famille serait tellement grande qu’aucune planète ne pourrait y accueillir un party familial de fin d’année!

Ces «découvertes» complexifient la vision de la place que nous occupons dans cette multitude de possibles cousinages extraterrestre. Bien sûr il est facile d’imaginer que la vie cellulaire, dont nous ne serions qu’une branche, puisse trouver d’autres lieux même plus avantageux pour se développer. Certains chercheurs ont même défini la «planète idéale» où des assemblages moléculaires comme les nôtres pourraient encore plus facilement évoluer. Mais sommes-nous seulement le fruit d’une évolution biochimique? Certains ne jurent que par une intervention extérieure, divine même, pour expliquer notre existence. D’autres pensent que nous sommes le fruit d’une évolution adaptative par «à-coup», qui ne saurait se produire dans des conditions stables ou idéales. Sans stimuli brusques, sans capacité d’adaptation, nous serions peut-être restés à un stade primitif de développement, nous contentant d’une reproduction constante, continuelle, identique et, de notre point de vue, statique, pour ne pas dire «platte».

L’humanité d’aujourd’hui serait donc le fruit, hasardeux ou non, d’une forme d’évolution stimulée par notre volonté de changer, d’augmenter, notre emprise sur les conditions de notre reproduction, de bousculer la façon d’occuper l’environnement dans lequel nous évoluons. Notre capacité de nous projeter dans un autre milieu de vie que celui qui nous entoure, ne semble avoir comme limite que celle de la viabilité de cet environnement. Nous pourrions inventer de vivre en enfer si cela ne nous tuait pas! Certains pensent que nous sommes d’ailleurs en bonne voie d’y parvenir…

Quand l’astrophysicien Stephen Hawking projette de trouver la preuve de l’existence d’autres formes de vie dans les galaxies environnantes, se pose automatiquement la question de cette éventuelle rencontre avec l’une ou l’autre de ces «civilisations» extraterrestre. Savoir qu’il existe d’autres mondes, ayant développé une forme de vie semblable à la nôtre, est une chose. Entrer en contact avec eux en est une autre.

Émettons l’hypothèse que d’autres formes de vie existent ailleurs et que nous pourrions même entrer en contact avec elles, au-delà du problème réel des distances qui nous séparent. Si d’autres êtres vivants, pensants, étaient infiniment bons, amicaux, empreints d’une douceur incommensurable et d’une science sans limite et qu’ils entraient en contact avec nous, je crois que nous ne les impressionnerions pas beaucoup! Ils pourraient même penser que nous ne sommes qu’une forme de bactérie nuisible. Au mieux ils fuiraient rapidement; au pire ils «désinfecteraient» la planète pour lui redonner une chance «d’évoluer»…

Si, par contre, nous rencontrions des êtres agressifs, guerriers et avides de possessions (un peu comme nous, quoi), il ne nous resterait plus qu’à souhaiter que leurs technologies aient une faille majeure, à défaut de quoi nous risquerions de disparaître rapidement…

L’humanité n’a pas souvent démontré sa capacité de contacts cordiaux entre des civilisations différentes. Notre approche «à l’autre» est souvent méfiante et les rapports de domination ont été plus souvent qu’autrement la ligne de conduite qui nous a menés à l’extinction ou à l’asservissement de peuples rencontrés au hasard des migrations humaines. Notre système économique actuel en est le dernier vecteur connu : tout développement collectif se fait par l’exploitation de la majorité par une minorité dominante. Les principes d’égalité sont plus souvent écrits dans des conventions de bonnes intentions que dans la réalité quotidienne des humains de notre planète.

Si certains pensent que nous sommes le summum de l’évolution, peut-être vaut-il mieux ne pas entrer en contact avec des vies extraterrestre! Si elles sont moins «évoluées», nous allons sans doute les asservir et même les faire disparaître. Si elles sont plus «évoluées», nous leur paraîtrons bien stupides et là encore nous risquons d’en payer le prix. Et si elles étaient totalement semblables à nous, nous trouverions vite une raison de les discriminer : une peau trop bleue, une troisième oreille dérangeante, une langue incompréhensible, une propension «politically» incorrecte à l’alcool ou une piété suspecte envers un dieu que nous ne connaîtrions pas. Seule leur éventuelle syndicalisation m’apparaîtrait intéressante…

À tout bien considérer, il vaut mieux pour nous et pour d’éventuelles sociétés extraterrestres que nous ne nous côtoyions pas trop. Restons simplement amis Facebook; sans façon!

Louis Roy – 24 juillet 2015

NASA, Kepler-452B : http://www.nasa.gov/press-release/nasa-kepler-mission-discovers-bigger-older-cousin-to-earth

Exoplanètes : http://exoplanet.eu/

Univers et Multivers: http://www.universalis.fr/encyclopedie/multivers/

Mondes «superhabitables» : http://arxiv.org/ftp/arxiv/papers/1401/1401.2392.pdf

Rapport Godbout : mise à mort de l’État social !

Au-delà des chiffres, des propositions et des objectifs avoués de la réforme proposée par M. Luc Godbout et son groupe de travail, il ne s’agit pas seulement ici de modifier telle mesure et d’en créer une nouvelle dans un autre domaine. D’ailleurs, le rapport nous propose un projet «global» qu’il ne faudrait pas appliquer à la pièce et encore moins dans lequel on pourrait choisir les quelques réformes qui font l’affaire de groupes de pression choisis.

Non, le rapport Godbout propose ni plus ni moins la fin du «welfare state», ce qu’ici on appelle l’État Providence. Cet État social, basé sur la juste contribution de ses membres, individus et entreprises, qui mettent en commun, selon leurs capacités, des services offerts à tous, sur tout le territoire et au meilleur prix. Ces services publics peuvent être gratuits ou à contribution unique pour tous; mais ils sont financés par un système d’impôt où, idéalement, la contribution varie selon la capacité de payer des contribuables (le mot dit bien en quoi consiste la fonction).

Les tenants du libre marché et d’une place privilégiée aux financiers et investisseurs, cherchent depuis longtemps à revenir au capitalisme primaire du début du XXe siècle. Ils combattent depuis lors toutes les mesures sociales auxquelles ils sont tenus de contribuer. Leur idée de base consiste à dire que la croissance économique, faite librement par des capitalistes égoïstes, créerait une telle richesse qu’elle retomberait d’elle-même sur toutes les couches de la population. Leur plus grand ennemi? Les impôts! Pourquoi? Parce que ce système les «taxe» d’autant plus qu’ils s’enrichissent. Or, les riches ne sont jamais assez riches et toute mesure qui vient réduire l’écart entre leur richesse et les revenus moyens du reste de la population les horripile. L’idéologie capitaliste n’a jamais créé une répartition juste de la richesse envers ceux et celles qui la produisent, les travailleurs et travailleuses, les créateurs, les artistes, etc.

Proposer de ramener les impôts à une proportion minimale des revenus de l’État, signifie que celui-ci ne sera plus un répartiteur de la richesse. Il n’aura plus la capacité d’imposer les choix collectifs pour l’existence de tel ou tel service. Il ne pourra plus utiliser sa capacité de «saisir» une juste part de la richesse produite auprès de ceux et celles qui s’enrichissent au détriment de la majorité. La seule option qui lui restera pour augmenter ses revenus, sera de taxer les utilisateurs de services ou les consommateurs de biens. Or, les riches sont les moins touchés par les taxes sur les biens et services, puisque la consommation de biens et services essentiels représente une part moins grande de leurs dépenses comparativement à une personne à revenu faible ou moyen.

On peut bien discuter longuement de la valeur des mesures proposées dans le rapport Godbout. Mais, fondamentalement, la véritable proposition qui est faite est celle de passer d’un État social à un État absent ou chétif; passer de citoyens à consommateurs; passer de la démocratie à une féodalité capitaliste.

Je ne veux pas de cet avenir pour mes enfants. Nous avons quitté la France royaliste il y a quatre cents ans et avons tenté d’établir ici une société plus juste, moins hiérarchique. Nous sommes sortis de la misère et de la grande noirceur depuis à peine soixante ans. Depuis, nous nous sommes donné un État social inachevé mais fonctionnel. Oui il faut le rendre plus conforme à nos attentes. Oui, il faut le financer adéquatement pour éviter l’endettement systématique. Mais il faut surtout partager entre toutes les composantes de la société, individus comme entreprises, le coût de cet investissement collectif qu’est l’État social. Faire sa juste part? Il n’y a que l’impôt qui peut permettre d’y arriver.

Louis Roy

Ex président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Paru dans le Journal de Montréal, le 27 mars 2015