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NOUS ? – 7 Avril 2012

LIBÂRTÉ! LIBÂRTÉ!

Lorsque j’ai entendu ces cris, lors d’une manifestation en soutien à une radio de
Québec, le 22 juillet 2004, j’ai senti que nous glissions vers une confusion grave des genres, entretenue par la droite.
Ce cri, LIBERTÉ, appartient depuis des millénaires aux opprimés, aux sans culottes, aux esclaves, aux exploités, aux prisonniers d’opinion, aux damnés de la terre !
Comment pouvait-il se retrouver dans la bouche de gens qui se portaient à la
défense de salisseurs d’idées, de bouffeurs de réputations ; de parvenus de la
démolition systématique des acquis d’une révolution à peine accomplie ?
Le JE, ME, MOI, porté aux nues par cette foule pouvait-il être le fruit du seul «refus
global» d’une société en quête de son NOUS depuis la défaite de 1759 ? Ce cri
pouvait-il s’adresser à la discussion interminable entre le Canada et le Québec ?
Genre : «Crissez-MOI la paix !» ? N’était-ce qu’un «bouton» sur la face cachée d’une tranquille révolution ?
LIBÂRTÉ ! Alors que certains d’entre nous chantaient «Libérez-nous des libéraux»,
d’autres nous criaient «Libérez-MOI» du NOUS que nous étions encore à construire…
Libérez-MOI des impôts ; libérez-MOI du salon du peuple ; libérez-MOI de la
politique. Laissez-MOI lancer de la merde sur tout ce qui ne me plaît pas ; laissez-
MOI vivre dans l’arrogance, la violence planifiée d’un capitalisme confortable ;
laissez-MOI être insensible à la misère des autres ; laissez-MOI cracher sur les faibles, les immigrants, les fonctionnaires, les syndiqués, les intellectuels ; laissez-MOI remettre les femmes à leur place ; laissez-MOI emplir leurs corsages de silicone et leurs têtes de frivolité. Laissez mes enfants aduler des sportifs incultes et millionnaires. Donnez-MOI du pain, des jeux et du sexe, puis

F O U T E Z – M O I L A P A I X ! L I B A R T É !!!

NOUS avons soulevé un sourcil, jeté un regard étonné et avons lentement détourné la tête… Pourtant ! Pourtant ! D’autres MOI se sont regroupées, jusqu’à former le Réseau Liberté Québec. Rien de moins ! Confusion des genres ! Comment comprendre cette quête de liberté diamétralement opposée au collectif? Comment faire focus sur cet embrouillement ? De quelle liberté se réclame-t-on à droite comme à gauche ? À qui la confusion profite-t-elle ?
Délibérément, le tenants du capitalisme triomphant détruisent le sens des mots qui ont forgé la base de la démocratie : LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ.
La liberté devient celle de MES droits : MON droit de dire n’importe quoi ; MON droit à assister à MON cours ; MON droit à une équipe de sport dans MA ville ; MON droit à ne pas contribuer à la caisse commune car MOI je ne suis pas malade, je n’ai pas d’enfants, je n’utilise pas VOS services publics.
«MOI MON PÈRE EST RICHE !» Et je compte bien l’être aussi !
MOI, MOI, MOI !
L’égalité devient «chacun doit faire sa juste part», mais pas sa part juste d’impôts !
Fais ta part ! Par la consommation individuelle, par la hausse des droits de scolarité, par une taxe santé, par l’utilisateur-payeur, par, par, par. Fini la citoyenneté ! Fini l’égalité des chances ! Au plus fort la poche !!! Place aux forts, aux riches, aux bellâtres, aux grandes gueules ! Vivement une grippe aviaire pour éliminer tous ces boomers qui m’empêchent de vivre depuis si longtemps ! Fermons nos frontières aux immigrants, ces emmerdeurs qui n’aiment pas MA cabane à sucre ! Tasse-toi mononcle !
La fraternité ? Ben… la fraternité c’est pour ceux qui comptent pour la même équipe que MOI ! C’est pour MES amis Facebook ; c’est pour ceux qui prennent la même bière que MOI, vont au même resto et, surtout, pensent comme MOI et l’écrivent sur MON blogue!

ET NOUS ? Que répondons-nous à cette dérive? Que mettons-nous sur la table, dans la rue, pour opposer une vision révolutionnaire, démocratique, progressiste à cette attaque aux droits fondamentaux de la démocratie ?


NOUS RÉPONDONS FRATERNITÉ !
Avons-nous honte d’affirmer que nous devons être solidaires des uns, en soutien aux autres ? NOUS voulons un Québec libre, mais sommes-nous ouverts à ceux dont les ancêtres n’ont pas connu la défaite sur les Plaines d’Abraham ? NOUS portons l’idée d’une fraternité qui cherche à construire un monde meilleur, ici comme sur toute la planète. NOUS marchons avec ceux et celles qui vont dans la même direction, même s’ils n’ont pas la même langue, la même culture, la même couleur de peau, la même orientation sexuelle, la même religion, les mêmes idées… NOUS misons sur une fraternité permettant d’atteindre l’égalité, la liberté et à les maintenir. Une fraternité qui offre soutien mutuel, coopération, solidarité plutôt que compétition, exploitation, exclusion.


NOUS RÉPONDONS ÉGALITÉ !
Avons-nous honte de dire haut et fort que nous sommes tous égaux ? ÉGAUX, pas IDENTIQUES ! Égaux dans le possible qui s’ouvre à nous. Égaux dans le regard des autres comme dans celui de notre justice collective. Égaux en droits, dans la file à l’épicerie comme dans l’attribution d’un contrat. Égaux, brisant l’hérédité de pouvoirs, offrant les meilleurs soins disponibles à tous. ÉGAUX devant l’instruction !
ÉGAUX dans la syndicalisation ! ÉGAUX à la Rousseau : « [que] nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre. »


NOUS RÉPONDONS LIBERTÉ !
Avons-nous honte de défendre l’État que nous avons construit ? Un état avec des fonctionnaires, des enseignants, des soignants ? Un état qui a un coût. Un état où chacun doit faire sa part en contribuant selon ses moyens. Bien sûr la liberté apporte une jouissance individuelle ; oui la liberté crée MES droits. Mais la liberté elle-même ne peut être créée par UN individu ; elle se fonde sur le collectif, par le collectif, pour le collectif, somme d’individus. Sortons de cette confusion où certains opposent les droits individuels aux droits collectifs. Si un individu peut faire reconnaître SON droit à assister à un cours d’anthropologie, c’est parce que COLLECTIVEMENT NOUS avons permis l’existence de ce cours. Et ce cours nous ne l’avons pas offert à UN individu,nous l’avons offert à la collectivité. Si après débat et vote, ces individus suspendent démocratiquement ce cours, le collectif l’emporte sur l’individuel.
La LIBERTÉ nous permet de créer le périmètre collectif dans lequel s’épanouiront les droits individuels. Jamais l’inverse !
MES droits s’arrêtent aux pieds de ceux des autres individus et ils n’existent que par la volonté commune de les voir naître, de les faire respecter, de les multiplier !


LIBERTÉ n’est pas LIBÂRTÉ !


NOUS ?
Droits et démocratie ; parole et action ; citoyenneté et solidarité ; fraternité et
sororité ; égalité et respect. Liberté et responsabilité.


NOUS ?
Quelques mots à mettre en ordre ; à décliner à la première personne du singulier
comme du pluriel.


NOUS ?
C’est tout. Tout simplement. LUI, TOI, ELLE, MOI ; c’est NOUS. Sans restriction, sans
réserve, sans limite.


NOUS ? C’est NOUS !


Louis Roy, Président de la CSN. 7 avril 2012

Pour voir la vidéo: https://fb.watch/CdbetL7B75/

Merci à Brigitte Haentjens, Sébastien Ricard, Pierre-Laval Pineault et tous les autres qui ont permis ces 12 heures d’expressions publiques pour mieux saisir ce qu’est le NOUS québécois.

Une autre réforme de la santé au Québec? Triste, très triste…

Projet de loi 15 : Je suis triste pour le ministre…

Eh oui, je suis triste pour le ministre Christian Dubé, mais pas seulement pour lui. Je pense d’abord aux milliers de travailleuses[1] du réseau de la santé et des services sociaux qui, après avoir été des anges gardiennes pendant la pandémie, se voient aujourd’hui exclues des nécessaires modifications à apporter à ce réseau si mal aimé par plusieurs des précédents gouvernements.

Je suis triste aussi pour les médecins qui se voient toujours accusés de nuire à la flexibilité des soins. Même si souvent, leur appétit pécuniaire et l’organisation de leur travail nuisent au concept d’équipe multidisciplinaire, les accuser, les culpabiliser ne me semble pas le meilleur moyen de les faire participer à la mise en place de solutions qui, de toute façon, nécessitera leur participation et idéalement leur adhésion aux solutions mises de l’avant.

Je suis surtout triste pour les usagères des services publics et la population du Québec qui voit sans cesse des apprentis sorciers promettre sans résultats, l’accès à des services de proximité, facilement accessibles et de qualité, partout sur le très grand territoire du Québec.

Je suis triste parce que j’ai toujours été critique de l’organisation du travail et de la bureaucratie de ce réseau à qui j’ai consacré l’essentiel de ma vie. Je suis triste parce qu’avec d’autres nous avons proposé de multiples solutions pour améliorer à la fois les conditions de vie au travail de celles qui y œuvrent et à la fois la reddition des services. Chaque fois, on nous a répondu par des notions mécaniques d’efficience, de réductions de coûts et de personnel (pour le déficit zéro…),  de réformes organisationnelles des établissements et même par des transformations majeures des structures syndicales, ce qui ne devrait pas appartenir à un gouvernement employeur.

Je suis d’autant plus triste que le ministre Christian Dubé s’était attiré un capital public de sympathie par son air débonnaire, quoique déterminé. Contrairement à plusieurs ministres avant lui, M. Dubé aurait pu utiliser cette force politique pour amener les parties prenantes du réseau à s’asseoir et à véritablement chercher à guérir les maux qui affligent ces services si essentiels. Quoi qu’on en  dise, nous étions toutes prêtes à revoir les façons de faire pour y trouver une satisfaction au travail et des services publics améliorés autant du côté humain que du côté efficacité.

Mais voilà, le ministre a plutôt choisi d’écouter ceux qui pensent qu’il suffit de donner un autre coup de pied dans la fourmilière pour que tout se réorganise selon leur bon vouloir. La dernière réforme a transformé les travailleuses en numéros, voilà qu’on veut les transformer en fourmis, surveillées par des tableaux de bord informatisés, mis à jour aux deux heures et analysés par une intelligence artificielle sans âme.

Même si le ministre prétend le contraire, nous allons assister à une centralisation accrue de la gestion du personnel et de leurs organisations syndicales. Avoir des administrations imputables dans chaque installation, soumises à une entité provinciale,  ne constitue en rien un gage d’amélioration des conditions de vie au travail du personnel et ne donnera pas à la population des services mieux adaptés à ses besoins locaux.  L’organisation du travail et des services doivent relever des parties locales et celles-ci doivent avoir le pouvoir de s’entendre sur les façons de faire. Santé Québec et les quatre énormes syndicats, éventuellement créés par le projet de loi 15, seront à mille lieues des réalités des travailleuses et des populations locales et des nécessaires ajustements rapides à faire pour que tout le monde y trouve son compte.

Plusieurs sont tellement blasés par ces incessantes réformes de structure et une ouverture accrue à la privatisation des services, qu’ils les laisseront peut-être passer, haussant les épaules, en se disant que ça ne peut pas «être pire» que maintenant. Eh bien oui, ça peut être pire! Depuis la création du réseau public, certains s’acharnent à vouloir le privatiser, prétextant faussement que le privé fait mieux et à moindres coûts que le public. Un fantasme économique pourtant réduit à néant par les faits, dans tous les pays démocratiques.

Le gouvernement caquiste démontre constamment qu’il improvise des solutions aux problèmes de transport, d’immigration, d’éducation et de santé et ses prétentions viennent ensuite s’échouer sur les récifs de la réalité terrain. Pour le projet de loi 15, la commission parlementaire a permis d’identifier plusieurs obstacles prévisibles, grains de sable têtus qui feront s’enrayer les beaux rouages promis par le ministre. Que fera le ministre Dubé? Il a déclaré, inconsciemment, qu’il tiendrait compte de toutes les remarques, fussent-elles contradictoires…

Une chose est sûre, ce gouvernement d’entrepreneurs vise la privatisation d’une plus grande partie des services de santé, surtout les moins complexes (hanches, genoux, cataractes, etc.) et donc les plus rentables pour des cliniques décrochées du réseau public. Le ministre nous affirme pourtant le contraire, mais il continue à augmenter la place du privé sous prétexte qu’il vient «soutenir» le service public. Le développement des cliniques privées de «super-infirmières» en est la preuve alors que le secteur public peine à combler les postes d’infirmières-praticiennes spécialisées dans ses propres cliniques.

Le projet de loi 15 devrait être retiré et remplacé par de véritables états généraux de la santé, permettant à la population et aux actrices du réseau de reformuler le contrat social de nos services sociaux et de santé. Sans cela, nous voguerons encore longtemps, de réforme en réforme, vers des services inefficaces, de plus en plus privatisés, donnés par des travailleuses épuisées et mal rémunérées.

Triste, très triste…

Louis Roy


[1] Le féminin sera privilégié comme genre grammatical afin de faciliter la lecture.

Centenaire de la Confédération des syndicats nationaux vendredi 24 septembre 2021

Les 100 ans de la CSN

Lier travail et société dans un monde menacé

  • Une base catholique

La Confédération des syndicats nationaux (CSN), anciennement la CTCC (Confédération des travailleurs catholiques du Canada), souligne cette année son centième anniversaire. Née de la volonté des édiles catholiques du début du XXe siècle, cette association de travailleurs répondait aux appels de l’encyclique du pape catholique Léon XIII en 1891. Première incursion du Vatican dans le monde industriel du libéralisme économique capitaliste, cette «lettre aux chrétiens», Rerum novarum (nouvel ordre des choses), cherchait à réguler un tant soit peu les relations entre patrons et ouvriers à une époque où l’industrialisation déstructurait le tissu social occidental. Elle se voulait aussi une alternative aux syndicats socialistes ou communistes qui étaient alors les seuls à revendiquer plus de justice pour les opprimés du capitalisme.

Ici, au Québec, cet appel à l’organisation de regroupements catholiques d’ouvriers fut entendu par les élites religieuses qui voulaient promouvoir la doctrine sociale de l’Église, protéger le nationalisme catholique et contrer le syndicalisme étranger, fortement inspiré par le socialisme de l’entre-deux guerres (1918-1940). Une seconde encyclique, Quadragesimo anno (Quarante ans plus tard), parue en 1931 sous le règne du pape Pie XI, venait poser une autre pierre à ce que deviendrait la CSN. Le principe de subsidiarité, visant entre autre à ramener les décisions à la base des organisations, allait raffermir le rôle des syndicats locaux, libres et autonomes, mettre en lien les regroupements régionaux, les Conseils centraux calqués sur les diocèses catholiques, et donner du corps aux regroupements sectoriels, les fédérations professionnelles de la CSN. Ce sont là les trois chaînons solidaires du logo de la CSN.

  • Une vision socialiste

Après la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1946, Gérard Picard, un président d’une importance capitale pour la CSN, prépara et réalisa une transformation radicale du syndicalisme québécois. D’abord novice chez les Pères Blancs, puis journaliste, syndicaliste et avocat, il restera un catholique convaincu mais résolument tourné vers l’avenir. C’est lui qui mit en place les conditions qui allaient conduire la CSN vers un syndicalisme de combat, laïc, dont les figures de proue furent plus tard Marcel Pépin, Pierre Vadeboncoeur et Michel Chartrand. Le syndicalisme CSN élargissait son champ d’action, passant du contrat de travail au contrat social, sublimant les volontés exposées en filigrane dans les deux encycliques papales tout en sortant du carcan catholique et de sa vision idyllique des classes sociales.

La CSN aura marqué le paysage ouvrier du Québec, le faisant passer du syndicalisme «de bonne entente» à celui de revendication ouvrière et sociétale. Dans les années 1970 et ’80, la CSN se voulait le «fer de lance du syndicalisme de combat» en Amérique. De son côté, le syndicalisme ouvrier international et principalement américain est né d’une volonté socialiste, mais il a souvent fait le cheminement inverse, devenant corporatiste, parfois même mafieux, délaissant jusqu’à il y a peu une vision sociale plus globale. Quant au syndicalisme corporatiste, il est resté fidèle à lui-même, ne visant qu’à consolider ou améliorer les conditions de ses membres, parfois au détriment des autres titres d’emplois et même de la société. Et, avouons-le, toutes ces «dérives» ont existé ou existent encore dans plusieurs organisations syndicales…

  • Un avenir collectif

Pour la CSN, comme pour les autres, le XXIe siècle amène des défis aussi grands que lors de l’arrivée du libéralisme économique il y a cent ans. Les bouleversements climatiques, les niveaux d’endettement personnels et collectifs, l’exaspération des peuples envers leurs élus et envers leurs propres organisations civiles, la monté délirante des opinions fragmentées par les média sociaux et l’indifférence accrue envers «l’autre», représentent une somme considérable de combats qui mériteraient un leadership syndical fort et organisé.

Le syndicalisme de la CSN doit se conjuguer aux temps modernes que sont les revendications légitimes des minorités quelles qu’elles soient, de celles des femmes, toujours exploitées depuis des siècles, des réfugiés politiques ou climatiques, des nations opprimées ou l’ayant été et, bien sûr, des travailleuses et travailleurs d’usines, d’institutions, autonomes ou non. La CSN doit être «éveillée» face aux injustices, tout en restant un pôle d’attraction collectif. La CSN doit lutter contre l’obscurantisme, la rectitude politique, la censure et l’individualisation des revendications. La CSN doit soutenir toutes les luttes progressistes qui cherchent à améliorer le vivre ensemble. La CSN doit faire de la lutte aux bouleversements climatiques SA priorité pour l’intégrer dans le concret des conditions de travail, de la santé et de la sécurité de toutes et tous, des conditions d’existence des lieux de travail et de la finalité même du travail. La CSN doit promouvoir la jonction des forces progressistes et ouvrières. S’il doit y avoir un dialogue social, il doit dépasser les associations patronales ou politiques pour se concentrer sur le dialogue et la solidarité à la base de la société, de ses composantes locales, régionales et professionnelles. Ces trois chainons du logo de la CSN sont toujours d’actualité même cent ans plus tard!

Longue vie à la CSN!

Paru dans La Presse: https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-09-24/longue-vie-a-la-confederation-des-syndicats-nationaux.php?fbclid=IwAR045KcbBEpej2QNKnkArHz5R7Zv8S9jLL_ZOVOilCKLmmh930LVkB0RQj8

Et dans Le Devoir: https://www.ledevoir.com/opinion/idees/635091/syndicalisme-la-csn-a-100-ans?fb_news_token=clMjEgPFNouzfV1k6y1mCg%3D%3D.lbR6BKLc0hRXw7mMrv5L14RELW2hRr8PkMy%2Bgp7w2qoS5Wiuky54R6a3d98qs2%2F1txERFwv8ePkDoZC15SgGqardaR%2FUeHtYRJMW7R%2FKOwTncIP9UCwIcyE%2BsITtXXUnWZxcmVWnoXMmwyWrQAKpKF7Cu7ClfMGcStuahEunbW9eeAPLN%2FODfiXPF7H3TSdW6a5Dc20oMWR32yBk45hF6ibYJiDYLcnTcWnROvT92ZijuUlwsd64znA9OsVbLkxquE9V8gEIV0YLmotehCZfqqpe%2FEFQ5NjOLDYzbla59sP2ZYdRODGjH13S%2FshB%2FBsRP%2BjMv2f%2FqkFWCyPiEC4xWsj1LwLuVo8NvKKT79HpaR82MsahollMjkxNFZlfxV2Hu1mAJauKMnXGJaW4%2BdOpUBXTbrCxl6rcD06fmNdMVsQ%3D&fbclid=IwAR2F3wgbQ9RfHf0pmvBfMw7mSMXVobiaOoy9RI-b9Uo83wM-3ukHAW95s4U

Projet de loi 3* à la sauce Chili 29 août 2014

Maintenant que la commission parlementaire sur le projet de loi 3, modifiant les régimes de retraite des employés municipaux du Québec, est terminée, la réflexion doit s’élargir sur l’impact d’une telle loi sur la retraite future de tous les Québécois.

Au vingtième siècle, les notions de redistribution plus égalitaire de la richesse, de services publics et de conditions minimales de travail ont vu le jour après la grande dépression de 1929. Elles se sont concrétisées plus particulièrement après la deuxième grande guerre; ici, au Québec, c’est ce qu’on a appelé les «trente glorieuses» où s’est mis en place l’État social lors de la Révolution dite tranquille. Dans cette période, fin des années quarante jusqu’au début des années quatre-vingt, les syndicats ont fait partie de toutes les batailles visant à donner à la population des possibilités accrues d’un meilleur niveau de vie, de la naissance à la mort. Conditions de travail sécuritaires, salaires, retraites, systèmes publics d’éducation et de santé, garderies et participation citoyenne à la vie démocratique font partie d’une série de gains importants arrachés à une autre vision du monde axée sur l’accumulation de la richesse entre les mains de quelques uns aux dépens de la collectivité.

Pays totalitaires

Mais les tenants du capitalisme et du néolibéralisme n’ont jamais pour autant jeté la serviette! Pour eux, les terreaux fertiles ne manquaient pas. Surtout dans les pays totalitaires! Ainsi, début des années soixante-dix au Chili, les disciples néolibéraux de Milton Friedman, formés à l’Université de Chicago, ont-ils conjugués leurs efforts avec ceux d’Augusto Pinochet pour créer une économie purement néolibérale, imposée par la force à toute la population d’un pays tout autant au bord de la modernité que nous l’étions alors. Trois principes de base soutiennent la pensée des «Chicago boys» :

  • réduction du rôle de l’État au profit du secteur privé par l’ouverture de tous les marchés à la «libre concurrence»;
  • réduction ou annulation de l’influence des organisations syndicales;
  • disponibilité d’une main d’œuvre sous payée, sans droits, avec le strict minimum pour vivre et la nécessité de travailler jusqu’à sa mort, donc sans revenus décents à la retraite.

Les mesures pour y arriver furent draconiennes : privatisation des services publics, élimination, au propre comme au figuré, des opposants syndicaux et progressistes, diminution substantielle des régimes de retraite et privatisation de leur gestion.

Le projet de loi, sur les régimes de retraite des employés municipaux, relève de la même logique, cachée sous diverses formules populistes dont celle de la «capacité de payer». Comme nous ne sommes pas sous le joug d’une dictature, la voie choisie par le gouvernement est plus insidieuse et relève d’une stratégie étapiste qui n’en mènera pas moins aux mêmes résultats. D’ailleurs, tous les gouvernements québécois s’en sont servi dans les trente dernières années. Ainsi la crise économique du début des années quatre-vingt a servi d’excuse au gouvernement Lévesque pour limiter considérablement l’indexation des prestations de retraite et réduire les salaires de la fonction publique. La crise du début des années quatre-vingt-dix a ouvert la porte à la glissade des salaires du secteur public qui, de comparables au secteur privé qu’ils étaient, sont maintenant en net recul selon l’Institut de la statistique du Québec.

Vision plus large

Le projet de loi 3 ne peut et ne doit pas être analysé séparément d’une vision large et à long terme du type de société dans laquelle nous voulons vivre. Il y a sans doute, parmi les politiciens engagés dans ce débat, des individus qui honnêtement croient y régler la pérennité des régimes à long terme. Le long terme se limitant à la prochaine crise économique mondiale… Il y a sans doute aussi plusieurs syndiqués qui ne sont mobilisés qu’en fonction de leur propre prestation de retraite. Ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur talon de paie continueront à s’amuser en se donnant en spectacle à un peuple qui n’en peut plus de se sentir floué par le système économique sans que personne ne lui explique les tenants et aboutissants de sa propre diminution du niveau de vie. La frustration d’avoir été gouverné par des profiteurs ou des incapables, doublée par l’inexistence de projet collectif porteur d’espoir, risque d’amener la population à jeter le bébé avec l’eau du bain dans la question complexe des régimes de retraite…

D’autant que peu de régimes de retraite sont accessibles à la population et ceux qui existent sont loin d’être en or! Ainsi le RREGOP qui couvre la très grande majorité des employés de l’État, donnait-il en moyenne $19,000 par an en 2013. Et la plupart des régimes sont ajustés à la baisse lorsqu’on reçoit le Régime des rentes du Québec. De plus, si les prestations sont aussi basses, c’est que presque tous les régimes de retraite avaient tenu pour acquis que les services de santé seraient gratuits jusqu’à notre décès. Ce qui n’est plus tout à fait le cas et à risque de privatisations futures… Déjà les Walmart et RONA de ce monde engagent de plus en plus de personnes «à la retraite». Un tiers des Québécois de 55 ans et plus travaillaient en 2011. Et la tendance, qui semble être à la hausse, ne diminuera pas si les prestations de retraite sont réduites dans le futur. Les femmes, qui ont fait double emploi auprès de leurs enfants tout en travaillant, continueront à être mises à contribution encore plus! D’abord auprès de leurs parents vieillissants, puis lors de leur «retraite» à cause de revenus moindres, sans parler de leur longévité plus grande qui les forcera à le faire encore plus longtemps…

Résister au démantèlement

D’ici à ce qu’on nous propose des choix collectifs permettant une organisation sociale soutenue par une économie axée sur les besoins humains, le respect de l’environnement et une possibilité de vivre dignement jusqu’à la fin de nos jours, nous ne pouvons souscrire au démantèlement à la pièce des outils mis en place pour améliorer le sort des travailleurs municipaux. Il est donc du devoir des organisations syndicales et des tenants d’une société plus juste de résister fermement à ces attaques. Les tenants du néolibéralisme attendent patiemment que des brèches s’ouvrent dans le mur social qui permet une meilleure redistribution de la richesse.

Il a fallu quarante ans au Chili pour recommencer à mettre en place timidement des mesures sociales abolies jadis par les néolibéraux. Si les employés municipaux lâchent du lest, nous nous engageons sur une pente glissante avec peu d’espoir à court terme pour la retraite de toutes les Québécoises et tous les Québécois.

Louis Roy

Ex-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Texte paru à demi dans la version papier du quotidien Le Devoir le vendredi 29 août 2014 et en version intégrale sur leur site web: http://www.ledevoir.com/politique/quebec/417084/projet-de-loi-3-a-la-sauce-chili

*Projet de loi 3: Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal

Congrès de la CSN 2014: Le syndicalisme de combat toujours d’actualité!

26 mai 2014 : Ouverture du Congrès de la CSN à Québec

Syndicalisme de combat : toujours d’actualité!

Aujourd’hui, s’ouvre à Québec, ce qui sera mon dernier congrès de la Confédération des syndicats nationaux, la CSN. J’y milite depuis 1975. J’y ai aussi assumé des fonctions de direction. Mais j’ai toujours été avant tout un militant de la base. C’est d’ailleurs à ce titre que j’assisterai à ces cinq jours de débats d’orientation.

J’aurais souhaité m’y faire discret. Mais voilà qu’un bout de phrase, attribuée faussement semble-t-il par Le Devoir au président Létourneau, questionne tout ce à quoi j’ai cru depuis quarante ans : «On n’est plus dans le syndicalisme de combat,…».

Un de ceux qui a le mieux analysé le syndicalisme au Québec est, selon moi, le professeur Jean-Marc Piotte. Voici ce qu’il écrivait en 2010, dans la Revue À babord!, sur le syndicalisme de combat : «Le syndicalisme de combat vise essentiellement à affermir le rapport de force des syndicats face aux patrons, non seulement durant la période de négociations, mais durant la période de paix des relations industrielles. Or, la puissance d’un syndicat est directement proportionnelle à la conscience et à la mobilisation de ses membres.» Le syndicalisme de combat cherche à combattre les inégalités, toutes les inégalités, avant, pendant et après les négociations qui le touchent plus quotidiennement. Des syndicats peuvent donc être très combattif lors du renouvellement de leur contrat de travail, mais ne pas être suffisamment « conscientisés » pour entrer dans la famille du syndicalisme de combat.

C’est le syndicalisme de combat que veulent museler la droite et les Radios X de ce monde. Ils y voient une attaque aux droits individuels mais surtout au droit des capitalistes à exploiter comme ils le veulent la race humaine! Pourtant nous sommes inondés de rapports d’études démontrant que les inégalités sociales sont en hausse depuis trente ans. Même la très capitaliste Banque mondiale en appelle à la réduction des inégalités sociales pour cause de danger d’instabilité politique. L’économiste Thomas Piketty a publié dernièrement un best-seller démontrant, si besoin était, que le capitalisme ne peut qu’engendrer à perpétuité de plus grandes inégalités sociales. Bref, au moment ou le capitalisme est remis en question par ses propres tenants, ce n’est certes pas le moment de réduire la pression sur lui !

La CSN serait-elle en train de changer son orientation politique des cinquante dernières années? Je ne peux le croire. Y a-t-il un équilibre à trouver entre le combat social et les luttes locales? Non! Toutes les luttes visant à se faire respecter comme travailleurs ou travailleuses, toutes celles visant à briser les injustices dont sont victimes les femmes, les LGBT, les travailleurs immigrants, les exclus, les pratiquants ou non des religions, toutes ces luttes doivent faire partie du programme. Toutes les inégalités engendrées par le système économique actuel doivent faire partie de la conscience du syndicalisme de combat, du syndicaliste politisé et des combats qu’ils doivent mener.

Oui il existe encore des classes sociales. Oui il existe encore des exploiteurs. Oui il y a des alternatives possibles au capitalisme. Oui le dérèglement climatique, amplifié par l’appétit des profits exorbitants, menace nos sociétés et encore plus celles où vivront nos enfants. N’y a-t-il pas là de quoi nourrir un syndicalisme généreux, combattif, conscient de tous les enjeux, mobilisé sur les questions qui forment la trame complète de la vie de ses membres? Un syndicalisme près de ses membres, démocratique et non bureaucratique? Un syndicalisme formateur, revendicateur, frondeur? Un syndicalisme stimulant et en marche vers un avenir meilleur? Un syndicalisme de combat. Un syndicalisme CSN!

Louis Roy

Ex-président de la CSN

P.S. Le président Létourneau, dans son discours à la fermeture du congrès, a assuré le congrès qu’il n’était pas question d’abandonner le syndicalisme de combat.

Voir aussi l’article paru dans La Presse du 26 mai 2014

L’ère de l’opinion instantanée (1er octobre 2013)

N’allez pas croire que je suis contre le fait que nous puissions avoir une opinion sur presque tout ce qui se passe dans notre belle province et ailleurs. Mais il me semble que nous dégainons pas mal vite sur tout ce qui bouge dans l’actualité. Pas le temps de réfléchir et encore moins de discuter sereinement pour se forger une opinion! Tout de suite on nous demande de dire si nous sommes pour ou contre. Tous les journaux ont des sondages d’opinion en ligne et ils nous offrent tous de réagir sur le champ aux propos de leur blogueurs.

Les radios aussi ont pris ce virage. Les radios d’opinion, ce que certains appellent les «radio poubelles», le font depuis quelques années à la droite du spectre politique. Même la bonne vieille radio publique se transforme en une radio d’opinion! Bien sûr il y avait «Maisonneuve à l’écoute» qui offrait à quelques auditeurs par jour de commenter l’actualité. Mais maintenant, avec l’émission matinale de Marie-France Bazeau, nous sommes bombardés d’opinions dès notre réveil. L’information y est encore un peu présente, mais on nous rabat les oreilles d’opinions de «debaters» professionnels et de «twitters» souvent déchaînés dès les premières heures de l’aube.

Et puis il y a les sondages qui viennent nous donner une image collective de nos opinions. Là, pas de débat, juste une photo prise par une caméra dirigée sur ce qu’elle veut bien nous montrer de la «réalité»…

Mais tout cela nous amène-t-il à nous forger vraiment une opinion collective ou ne s’agirait-il pas plutôt de cristalliser des opinions individuelles dans des champs les plus contradictoires possibles? Cela n’amène-t-il pas de l’eau au moulin des extrémismes quels qu’ils soient? Si c’était le cas, ça serait bien la première fois qu’avoir une opinion ne servirait pas la démocratie!

Bien sûr j’ai quelques opinions bien arrêtées et, permettez-moi de le croire, fondées sur mon savoir, mon expérience, mon analyse ET la contribution de personnes ne partageant pas mon opinion. Ça fait longtemps que je ne crois plus aux consensus unanimes et que je me suis rallié à la conception de Gérald Larose sur les «consensus majoritaires» (sic)!

Tiens, je prends un exemple de ce matin : dans le Journal de Montréal revampé, Richard Martineau (qui d’autre?) y va d’une sortie en règle contre les syndicats. Remarquez que sa chronique n’est pas dans la section «Opinion» du journal,  mais dans la section «Actualités», ajoutant à la confusion entre opinion et nouvelle. Mais bon, passons outre ce «léger» détail. Sous prétexte de comparer la façon dont les critiques envers les syndicats sont reçues en France ou au Québec, M.Martineau  y va d’une sortie en règle sur le supposé pouvoir des syndicats qui «tiennent littéralement le gouvernement par les bijoux de famille». En bonus, son texte est accompagné d’une photo de M.Ken Perreira qui témoigne à la Commission Charbonneau sur des allégations de fraude dans UN syndicat, la FTQ Construction. Son opinion est placée juste à côté d’un article qui porte sur le rejet d’une demande de M.Michel Arseneault, président de la FTQ et du Fonds de Solidarité, à l’effet que la Commission ne puisse utiliser des écoutes téléphoniques le concernant lors de ses séances publiques. Finalement, son texte est coiffé du titre suivant : «Le syndicalisme : une religion intouchable?». Ça fait pas mal de messages «subliminaux» sous prétexte d’information, non?

C’est une opinion assez répandue chez les tenants du capitalisme sauvage que «les syndicats ont trop de pouvoir». J’ai eu l’occasion d’en débattre assez souvent pour me rendre compte que cette opinion est fondée sur de mauvaises expériences personnelles et sur la répétition de lieux communs ou d’informations incomplètes. Si on posait la question «est-ce que les travailleurs et les travailleuses ont trop de pouvoir dans notre société?», peut-être nous approcherions-nous d’un débat pas mal plus intéressant. Mais il est si facile de mettre tous les syndicats dans le même panier à partir d’exemples tronqués.

Si M.Martineau voulait faire œuvre utile, il ouvrirait des débats d’opinion qui permettraient un échange constructif. Avoir des espaces d’intervention publique devrait imposer certains devoirs envers les tenants des opinions contraires, et plus que de simplement leur offrir de réagir dans un blogue de dialogue de sourds. Si les français peuvent sereinement se varloper politiquement dans les journaux c’est que là-bas de multiples média sont, soit identifiés à des courants de pensées politiques, soit capables d’une neutralité favorisant les débats. Ici nos média de masse sont faussement apolitiques et inaccessibles ou presque à ceux qu’on appelle la gauche…

Si M.Martineau me permettait de vraiment débattre avec lui, il saurait que je suis d’accord avec quelques-unes de ses affirmations… Ainsi, celles et ceux qui m’ont entendu par le passé savent que j’aimais justement dire aux membres que le syndicalisme n’est pas une religion. Qu’ils devaient prendre leur syndicat en main s’ils ne voulaient pas le voir s’éloigner de leurs préoccupations. Qu’ils devaient s’impliquer s’ils voulaient que leur syndicat ait un véritable pouvoir face à leur employeur et face aux législateurs. Oui les syndicats sont des groupes de pression! Plus ils sont argumentés, présents auprès des employeurs et sur la place publique, plus ils peuvent défendre et faire avancer la cause des travailleuses et des travailleurs.

J’ai toujours dénoncé les faux syndicalistes qui utilisaient nos organisations pour leur propre profit. J’ai toujours dit qu’il n’y avait pas d’organisation humaine qui ne pouvait être améliorée; que la bureaucratie guette toute organisation qui s’éloigne de ses objectifs premiers et ne vit plus que pour elle-même. Bref, nous pourrions trouver quelques points de rencontre. Mais fondamentalement je ne pourrais supporter ces faux débats qui ne servent qu’à se créer un personnage médiatique qui lui ne vise qu’à enrichir son marionnettiste…

Mais je suis prêt à en débattre!

Journée d’appui aux prisonniers politiques. (27/06/2013)

Exploitation et résistance

Il y a plusieurs manières d’exploiter les gens. Les systèmes économiques sont particulièrement habiles pour ce faire. Le capitalisme étant sans doute le système qui a développé les plus subtiles façons de tirer le maximum de la force ouvrière sans en payer le prix et même en profitant encore et toujours de ceux et celles qui produisent les richesses en leur permettant de s’endetter pour acquérir ce qu’ils produisent… Sans parler des désirs suscités par la publicité et le gonflage de voisins !

Il y a moins de façons pour faire taire les gens. On peut les discréditer et les faire passer pour des excentriques presque fous ; on peut les acheter ; on peut leur faire peur et les faire chanter ; on peut les emprisonner ou même les faire disparaître à jamais. Alors quand des gouvernements ou des groupes assoiffés de pouvoir et d’argent décident de museler leurs opposants, ils n’hésitent pas à frapper fort, quitte à priver tout un peuple de ses libertés fondamentales.

Mais les gens honnêtes, les militantes et militants de cœur, résistent toujours aux actes ignobles de ceux qui veulent les faire taire. Les militantes et militants de cœur ne sont pas achetables ! Et une fois qu’ils ont surmonté la peur, ils sont encore plus courageux ! Alors que reste-t-il aux oppresseurs pour nous faire taire ? La prison, la torture, la mort.

Gouvernements du peuple ou du business ?

Le Comité des libertés syndicales du Bureau International du Travail (BIT) a souligné, en juin dernier, que plusieurs pays utilisaient encore l’emprisonnement de syndicalistes pour contrer le droit au travail, à la syndicalisation et à la négociation. Ces gouvernements ont choisi leur camp : celui des entreprises au détriment de leur population. Le Myanmar, le Guatemala, l’Iran  et le Mexique ont fait l’objet de plaintes officielles au sujet de l’emprisonnement de syndicalistes. Mais ils ne sont pas les seuls. Loin de là ! L’automne dernier plusieurs syndicalistes turcs ont été emprisonnés. Et s’il fallait sortir un peu du champ du monde du travail, le nombre de pays qui emprisonnent leurs concitoyens pour délit d’opinion serait faramineux !

On n’a pas besoin d’être sous une dictature pour subir la pression et la répression contre notre liberté d’expression. Les William Assange et  Edward Snowden de ce monde savent que révéler les actes répréhensibles de gouvernements dits démocratiques est presqu’aussi dangereux  qu’être espion en territoire étranger ! Les «whistleblowers», dénonciateurs de pratiques frauduleuses dans leur entreprise ou même au gouvernement, n’ont pratiquement aucune protection et risquent le congédiement et les poursuites baillons.  Même chose pour les citoyens qui ont dénoncé l’utilisation de fausses informations téléphoniques par les conservateurs lors de la dernière élection fédérale ; idem pour les groupes environnementaux, chercheurs, auteurs, éditeurs qui ont dénoncé certaines pratiques de compagnies minières à l’étranger.

2 heures en prison pour vos opinions politiques et vous êtes un prisonnier politique !

Et puis je pourrais ajouter tous les manifestants qui se sont opposé à la hausse des droits de scolarité au Québec l’an dernier. Plusieurs ont été emprisonnés quelques heures pour avoir exprimé leur opinion dans la rue.  Arrêtés en vertu de règlements inacceptables ou de lois iniques, ces «jeunes» ne sont pas des bandits. Prisonniers politiques ? OUI !

L’utilisation de la prison comme moyen de dissuasion de l’expression d’un point de vue politique est tout aussi inacceptable, que l’emprisonnement ait duré 2 heures, 2 jours, 2 mois, 2 ans ou 20 ans. Les conséquences sur les individus sont les mêmes : la peur d’exprimer publiquement un point de vue divergent de celui du pouvoir en place. Une fois qu’un gouvernement prend goût à cela, qu’est-ce qui l’empêchera d’aller plus loin ?

Les néolibéraux ont des projets pour nous museler…

En 2011, le Chili avait déposé devant le Congrès national une proposition qui aurait permis l’emprisonnement de gens participant à des «troubles» ayant pour effet de «…paralyser ou interrompre un quelconque service public  ; … empêcher ou perturber la libre circulation des personnes ou des véhicules sur les ponts, dans les rues, sur les routes ou sur d’autres biens d’usage public similaires ; … outrager l’autorité ou ses agents». Une tentative qui n’a pas abouti concrètement. Mais on voit bien où les gouvernements néolibéraux veulent aller : faire suffisamment peur au peuple pour qu’il cesse de revendiquer, critiquer et surtout manifester.

Notre réponse : la résistance et la rue !

C’est contre ça qu’il faut continuer à se battre ! Notre liberté d’expression n’a pas de prix ! Voilà pourquoi il faut manifester contre les emprisonnements politiques partout sur la planète. À défaut de quoi nous aurons des peuples encore plus soumis et des gens comme vous, comme moi, en prison pour leurs idées ! Ayons une pensée spéciale pour Nelson Mandela, aujourd’hui à l’article de la mort. Les 27 années de prison à cause de ses opinions ont permis à tout un peuple de sortir d’une prison encore plus exécrable, l’apartheid sud-africain ! Rendons-lui hommage et remercions-le de nous avoir démontré que notre principale force est la résistance.

Liberté !