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NOUS ? – 7 Avril 2012

LIBÂRTÉ! LIBÂRTÉ!

Lorsque j’ai entendu ces cris, lors d’une manifestation en soutien à une radio de
Québec, le 22 juillet 2004, j’ai senti que nous glissions vers une confusion grave des genres, entretenue par la droite.
Ce cri, LIBERTÉ, appartient depuis des millénaires aux opprimés, aux sans culottes, aux esclaves, aux exploités, aux prisonniers d’opinion, aux damnés de la terre !
Comment pouvait-il se retrouver dans la bouche de gens qui se portaient à la
défense de salisseurs d’idées, de bouffeurs de réputations ; de parvenus de la
démolition systématique des acquis d’une révolution à peine accomplie ?
Le JE, ME, MOI, porté aux nues par cette foule pouvait-il être le fruit du seul «refus
global» d’une société en quête de son NOUS depuis la défaite de 1759 ? Ce cri
pouvait-il s’adresser à la discussion interminable entre le Canada et le Québec ?
Genre : «Crissez-MOI la paix !» ? N’était-ce qu’un «bouton» sur la face cachée d’une tranquille révolution ?
LIBÂRTÉ ! Alors que certains d’entre nous chantaient «Libérez-nous des libéraux»,
d’autres nous criaient «Libérez-MOI» du NOUS que nous étions encore à construire…
Libérez-MOI des impôts ; libérez-MOI du salon du peuple ; libérez-MOI de la
politique. Laissez-MOI lancer de la merde sur tout ce qui ne me plaît pas ; laissez-
MOI vivre dans l’arrogance, la violence planifiée d’un capitalisme confortable ;
laissez-MOI être insensible à la misère des autres ; laissez-MOI cracher sur les faibles, les immigrants, les fonctionnaires, les syndiqués, les intellectuels ; laissez-MOI remettre les femmes à leur place ; laissez-MOI emplir leurs corsages de silicone et leurs têtes de frivolité. Laissez mes enfants aduler des sportifs incultes et millionnaires. Donnez-MOI du pain, des jeux et du sexe, puis

F O U T E Z – M O I L A P A I X ! L I B A R T É !!!

NOUS avons soulevé un sourcil, jeté un regard étonné et avons lentement détourné la tête… Pourtant ! Pourtant ! D’autres MOI se sont regroupées, jusqu’à former le Réseau Liberté Québec. Rien de moins ! Confusion des genres ! Comment comprendre cette quête de liberté diamétralement opposée au collectif? Comment faire focus sur cet embrouillement ? De quelle liberté se réclame-t-on à droite comme à gauche ? À qui la confusion profite-t-elle ?
Délibérément, le tenants du capitalisme triomphant détruisent le sens des mots qui ont forgé la base de la démocratie : LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ.
La liberté devient celle de MES droits : MON droit de dire n’importe quoi ; MON droit à assister à MON cours ; MON droit à une équipe de sport dans MA ville ; MON droit à ne pas contribuer à la caisse commune car MOI je ne suis pas malade, je n’ai pas d’enfants, je n’utilise pas VOS services publics.
«MOI MON PÈRE EST RICHE !» Et je compte bien l’être aussi !
MOI, MOI, MOI !
L’égalité devient «chacun doit faire sa juste part», mais pas sa part juste d’impôts !
Fais ta part ! Par la consommation individuelle, par la hausse des droits de scolarité, par une taxe santé, par l’utilisateur-payeur, par, par, par. Fini la citoyenneté ! Fini l’égalité des chances ! Au plus fort la poche !!! Place aux forts, aux riches, aux bellâtres, aux grandes gueules ! Vivement une grippe aviaire pour éliminer tous ces boomers qui m’empêchent de vivre depuis si longtemps ! Fermons nos frontières aux immigrants, ces emmerdeurs qui n’aiment pas MA cabane à sucre ! Tasse-toi mononcle !
La fraternité ? Ben… la fraternité c’est pour ceux qui comptent pour la même équipe que MOI ! C’est pour MES amis Facebook ; c’est pour ceux qui prennent la même bière que MOI, vont au même resto et, surtout, pensent comme MOI et l’écrivent sur MON blogue!

ET NOUS ? Que répondons-nous à cette dérive? Que mettons-nous sur la table, dans la rue, pour opposer une vision révolutionnaire, démocratique, progressiste à cette attaque aux droits fondamentaux de la démocratie ?


NOUS RÉPONDONS FRATERNITÉ !
Avons-nous honte d’affirmer que nous devons être solidaires des uns, en soutien aux autres ? NOUS voulons un Québec libre, mais sommes-nous ouverts à ceux dont les ancêtres n’ont pas connu la défaite sur les Plaines d’Abraham ? NOUS portons l’idée d’une fraternité qui cherche à construire un monde meilleur, ici comme sur toute la planète. NOUS marchons avec ceux et celles qui vont dans la même direction, même s’ils n’ont pas la même langue, la même culture, la même couleur de peau, la même orientation sexuelle, la même religion, les mêmes idées… NOUS misons sur une fraternité permettant d’atteindre l’égalité, la liberté et à les maintenir. Une fraternité qui offre soutien mutuel, coopération, solidarité plutôt que compétition, exploitation, exclusion.


NOUS RÉPONDONS ÉGALITÉ !
Avons-nous honte de dire haut et fort que nous sommes tous égaux ? ÉGAUX, pas IDENTIQUES ! Égaux dans le possible qui s’ouvre à nous. Égaux dans le regard des autres comme dans celui de notre justice collective. Égaux en droits, dans la file à l’épicerie comme dans l’attribution d’un contrat. Égaux, brisant l’hérédité de pouvoirs, offrant les meilleurs soins disponibles à tous. ÉGAUX devant l’instruction !
ÉGAUX dans la syndicalisation ! ÉGAUX à la Rousseau : « [que] nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre. »


NOUS RÉPONDONS LIBERTÉ !
Avons-nous honte de défendre l’État que nous avons construit ? Un état avec des fonctionnaires, des enseignants, des soignants ? Un état qui a un coût. Un état où chacun doit faire sa part en contribuant selon ses moyens. Bien sûr la liberté apporte une jouissance individuelle ; oui la liberté crée MES droits. Mais la liberté elle-même ne peut être créée par UN individu ; elle se fonde sur le collectif, par le collectif, pour le collectif, somme d’individus. Sortons de cette confusion où certains opposent les droits individuels aux droits collectifs. Si un individu peut faire reconnaître SON droit à assister à un cours d’anthropologie, c’est parce que COLLECTIVEMENT NOUS avons permis l’existence de ce cours. Et ce cours nous ne l’avons pas offert à UN individu,nous l’avons offert à la collectivité. Si après débat et vote, ces individus suspendent démocratiquement ce cours, le collectif l’emporte sur l’individuel.
La LIBERTÉ nous permet de créer le périmètre collectif dans lequel s’épanouiront les droits individuels. Jamais l’inverse !
MES droits s’arrêtent aux pieds de ceux des autres individus et ils n’existent que par la volonté commune de les voir naître, de les faire respecter, de les multiplier !


LIBERTÉ n’est pas LIBÂRTÉ !


NOUS ?
Droits et démocratie ; parole et action ; citoyenneté et solidarité ; fraternité et
sororité ; égalité et respect. Liberté et responsabilité.


NOUS ?
Quelques mots à mettre en ordre ; à décliner à la première personne du singulier
comme du pluriel.


NOUS ?
C’est tout. Tout simplement. LUI, TOI, ELLE, MOI ; c’est NOUS. Sans restriction, sans
réserve, sans limite.


NOUS ? C’est NOUS !


Louis Roy, Président de la CSN. 7 avril 2012

Pour voir la vidéo: https://fb.watch/CdbetL7B75/

Merci à Brigitte Haentjens, Sébastien Ricard, Pierre-Laval Pineault et tous les autres qui ont permis ces 12 heures d’expressions publiques pour mieux saisir ce qu’est le NOUS québécois.

Une autre réforme de la santé au Québec? Triste, très triste…

Projet de loi 15 : Je suis triste pour le ministre…

Eh oui, je suis triste pour le ministre Christian Dubé, mais pas seulement pour lui. Je pense d’abord aux milliers de travailleuses[1] du réseau de la santé et des services sociaux qui, après avoir été des anges gardiennes pendant la pandémie, se voient aujourd’hui exclues des nécessaires modifications à apporter à ce réseau si mal aimé par plusieurs des précédents gouvernements.

Je suis triste aussi pour les médecins qui se voient toujours accusés de nuire à la flexibilité des soins. Même si souvent, leur appétit pécuniaire et l’organisation de leur travail nuisent au concept d’équipe multidisciplinaire, les accuser, les culpabiliser ne me semble pas le meilleur moyen de les faire participer à la mise en place de solutions qui, de toute façon, nécessitera leur participation et idéalement leur adhésion aux solutions mises de l’avant.

Je suis surtout triste pour les usagères des services publics et la population du Québec qui voit sans cesse des apprentis sorciers promettre sans résultats, l’accès à des services de proximité, facilement accessibles et de qualité, partout sur le très grand territoire du Québec.

Je suis triste parce que j’ai toujours été critique de l’organisation du travail et de la bureaucratie de ce réseau à qui j’ai consacré l’essentiel de ma vie. Je suis triste parce qu’avec d’autres nous avons proposé de multiples solutions pour améliorer à la fois les conditions de vie au travail de celles qui y œuvrent et à la fois la reddition des services. Chaque fois, on nous a répondu par des notions mécaniques d’efficience, de réductions de coûts et de personnel (pour le déficit zéro…),  de réformes organisationnelles des établissements et même par des transformations majeures des structures syndicales, ce qui ne devrait pas appartenir à un gouvernement employeur.

Je suis d’autant plus triste que le ministre Christian Dubé s’était attiré un capital public de sympathie par son air débonnaire, quoique déterminé. Contrairement à plusieurs ministres avant lui, M. Dubé aurait pu utiliser cette force politique pour amener les parties prenantes du réseau à s’asseoir et à véritablement chercher à guérir les maux qui affligent ces services si essentiels. Quoi qu’on en  dise, nous étions toutes prêtes à revoir les façons de faire pour y trouver une satisfaction au travail et des services publics améliorés autant du côté humain que du côté efficacité.

Mais voilà, le ministre a plutôt choisi d’écouter ceux qui pensent qu’il suffit de donner un autre coup de pied dans la fourmilière pour que tout se réorganise selon leur bon vouloir. La dernière réforme a transformé les travailleuses en numéros, voilà qu’on veut les transformer en fourmis, surveillées par des tableaux de bord informatisés, mis à jour aux deux heures et analysés par une intelligence artificielle sans âme.

Même si le ministre prétend le contraire, nous allons assister à une centralisation accrue de la gestion du personnel et de leurs organisations syndicales. Avoir des administrations imputables dans chaque installation, soumises à une entité provinciale,  ne constitue en rien un gage d’amélioration des conditions de vie au travail du personnel et ne donnera pas à la population des services mieux adaptés à ses besoins locaux.  L’organisation du travail et des services doivent relever des parties locales et celles-ci doivent avoir le pouvoir de s’entendre sur les façons de faire. Santé Québec et les quatre énormes syndicats, éventuellement créés par le projet de loi 15, seront à mille lieues des réalités des travailleuses et des populations locales et des nécessaires ajustements rapides à faire pour que tout le monde y trouve son compte.

Plusieurs sont tellement blasés par ces incessantes réformes de structure et une ouverture accrue à la privatisation des services, qu’ils les laisseront peut-être passer, haussant les épaules, en se disant que ça ne peut pas «être pire» que maintenant. Eh bien oui, ça peut être pire! Depuis la création du réseau public, certains s’acharnent à vouloir le privatiser, prétextant faussement que le privé fait mieux et à moindres coûts que le public. Un fantasme économique pourtant réduit à néant par les faits, dans tous les pays démocratiques.

Le gouvernement caquiste démontre constamment qu’il improvise des solutions aux problèmes de transport, d’immigration, d’éducation et de santé et ses prétentions viennent ensuite s’échouer sur les récifs de la réalité terrain. Pour le projet de loi 15, la commission parlementaire a permis d’identifier plusieurs obstacles prévisibles, grains de sable têtus qui feront s’enrayer les beaux rouages promis par le ministre. Que fera le ministre Dubé? Il a déclaré, inconsciemment, qu’il tiendrait compte de toutes les remarques, fussent-elles contradictoires…

Une chose est sûre, ce gouvernement d’entrepreneurs vise la privatisation d’une plus grande partie des services de santé, surtout les moins complexes (hanches, genoux, cataractes, etc.) et donc les plus rentables pour des cliniques décrochées du réseau public. Le ministre nous affirme pourtant le contraire, mais il continue à augmenter la place du privé sous prétexte qu’il vient «soutenir» le service public. Le développement des cliniques privées de «super-infirmières» en est la preuve alors que le secteur public peine à combler les postes d’infirmières-praticiennes spécialisées dans ses propres cliniques.

Le projet de loi 15 devrait être retiré et remplacé par de véritables états généraux de la santé, permettant à la population et aux actrices du réseau de reformuler le contrat social de nos services sociaux et de santé. Sans cela, nous voguerons encore longtemps, de réforme en réforme, vers des services inefficaces, de plus en plus privatisés, donnés par des travailleuses épuisées et mal rémunérées.

Triste, très triste…

Louis Roy


[1] Le féminin sera privilégié comme genre grammatical afin de faciliter la lecture.

Élections fédérales : La piscine à vagues!

Les cent premières années du Canada se sont déroulées dans une seule et unique atmosphère électorale, celle du bipartisme. Le pouvoir est donc passé des bleus aux rouges, puis des rouges aux bleus dans une alternance permettant un développement relativement comparable entre les régions du Canada. Les méthodes électorales étaient simples : promesses de routes et corruption du vote, le tout agrémenté de claques sur la gueule et de boîtes de scrutin à double fond. Avec l’ère de la rectitude politique, les partis politiques ont développé de nouvelles formes de tromperies pour le bon peuple : publicité négative, faux débats télévisés, enjeux identitaires faussés ou politiques de division ont pris la relève des batailles physiques. Mais les promesses et la corruption sont quand même demeurées des éléments constitutifs du système électoral uninominal à un tour. Les lobbyistes s’assurent maintenant que le système est bien graissé, mais légal…

Au Québec nous avons ajouté un ingrédient subversif aux élections fédérales, la souveraineté du Québec. Ainsi, dans les années 1960 et 1970, nous avons choisi d’ignorer la diversité canadienne pour la réduire à une vision bipolaire : les indépendentistes d’un côté et les méchants «canadian red necks» anti québécois de l’autre. Bien que l’exploitation des canadiens français par une élite anglophone fut une réalité incontestable de notre histoire, nous avons oublié qu’il y avait aussi au Canada les nations autochtones, les pêcheurs ancestraux de Terre Neuve, les acadiens des Maritimes, les franco ontariens, les métis et les francos des Prairies, les immigrants européens de l’est et les britanno colombiens plus intéressés par l’Asie et la Côte ouest américaine que par leurs lointains colocataires au Québec. Bref, nous avons oublié que le Canada «uni contre nous» n’existait pas. Du moins pas au point de créer chez ses habitants, coast to coast, une appartenance identitaire unique. Peut-être même que notre volonté de réinventer le Québec comme un pays souverain, a-t-elle permis, enfin, à un gouvernement central de définir ce qu’était ce Canada dans lequel ils voulaient vivre. Pierre Trudeau a pu alors se permettre d’écrire la recette de ce nouveau pays, vieux de plus de cent ans : une charte des droits, une forme de multiculturalisme courtepointe et une identité pacifiste internationale, sans parler d’une Constitution faussement rapatriée pour laquelle le Québec n’a pas eu son mot à dire.

Après 25 ans de polarisation politique, au début des années 1990, la deuxième défaite référendaire des indépendantistes avait été précédée d’une première vague électorale québécoise qui envoyait, du Québec à Ottawa, une majorité de députés «séparatistes». Cette sortie du bipartisme habituel allait marquer un tournant qui semble se poursuivre encore aujourd’hui. Plusieurs électeurs ont de plus compris que peu importe qui gouverne ce pays, ce ne sont pas les députés qui influencent l’avenir, ni même le chef de la formation politique majoritaire. Au pouvoir ou dans l’opposition, les politiques néolibérales continuent leur gros bonhomme de chemin, sans se préoccuper des gouvernements «locaux», si ce n’est pour leur soutirer encore plus de privilèges pour les banquiers, multinationales et financiers du monde. L’establishment n’est plus «canadian red neck», il est planétaire. Les élections locales ne servent donc qu’à choisir avec quelle intensité nous allons subir les contrecoups des crises économiques d’un système en folie, les problèmes de pollution et de dérèglement du climat, ainsi que les attaques à nos services collectifs et à nos conditions de vie au travail.

Vu comme ça, la fidélité à un parti n’a plus de sens. Il vaut mieux choisir celui qui nous fera le moins mal et nous permettra de vivre encore quelques années dans l’inconscience de ce qui nous attend. Ou, pour les plus optimistes, cela permet de préparer les conditions pour un jour changer le système de fou dans lequel nous vivons. Nous sommes entrés dans l’ère politique de la piscine à vagues! Et comme disait Bob Dylan en 1964, dans sa chanson The Time They Are a-Changing, il serait grandement temps d’apprendre à nager! «Then you better start swimmin’, Or you’ll sink like a stone.»

Louis Roy

Paru dans Le Devoir du 22 octobre 2015

À bas les boîtes postales communautaires!

13 août 2015 Journal Metro

13 août 2015
Journal Metro

Je ne suis pas particulièrement un admirateur du maire de Montréal, Denis Coderre. Je lui reconnais cependant une intelligence politique hors de l’ordinaire et un sens médiatique qui frise parfois le populisme. Aussi ne fus-je pas surpris de le voir, marteau piqueur à la main, démolir une dalle de ciment destinée à accueillir ces hideuses boîtes aux lettres, dites communautaires, de Postes Canada. Je me suis dit alors qu’il venait d’assurer sa réélection à la mairie en 2017! Rarement a-t-on vu un maire aussi représentatif de la pensée majoritaire de sa municipalité. Car, il faut bien le dire, l’installation de ces boîtes postales extérieures, en lieu et place de la livraison à domicile du courrier, exaspère la très grande majorité des montréalais. Non seulement les résidents tiennent-ils à la livraison à leur porte du courrier, non seulement l’installation de boîtes communes extérieures est-il impensable dans plusieurs quartiers, sans parler de leur laideur répugnante, mais juste le mépris de la population et l’intransigeance de Postes Canada suffisent à mobiliser le tout Montréal contre ce projet stupide.

Lorsque j’ai appris qu’un «citoyen» avait déposé une plainte à la police contre le maire Coderre pour ce geste illégal, j’ai tout de suite pensé que Postes Canada avait trouvé un chemin détourné pour mettre le maire dans l’embarras. Mais si ce n’est pas le cas, ce «citoyen» vient d’ouvrir une boîte de Pandore qui pourrait facilement augmenter la popularité du maire et rendre l’installation de ces boîtes maudites responsable d’une mini guerre civile entre les citoyens et une société «de la couronne». Peut-être que Postes Canada mesure mal l’hostilité des résidents envers ces boîtes et la relation particulière qu’ils entretiennent avec leur facteur. Ces gens qui «marchent la ville» quotidiennement, représentent pour plusieurs un marqueur du temps rassurant, même si parfois ils n’apportent que mauvaises nouvelles ou factures à payer. «Le facteur est-il passé?» est une question que se posent toutes les personnes qui passent leurs journées à domicile. Les courriels et textos ont beau avoir remplacé la plupart des envois postaux, la distribution du courrier à la porte constitue encore un événement quotidien qui nous relie concrètement au monde dans lequel nous vivons. Et ces liens sociaux qui diminuent constamment donnent encore plus d’importance à cette visite quasi quotidienne.

Personnellement je n’irai pas jusqu’à louer un bulldozer pour écrabouiller ces excroissances purulentes qui commencent à pousser dans notre ville. Mais j’avoue que ce n’est pas l’envie qui manque! Et si l’idée me traverse l’esprit, j’imagine que d’autres peuvent aussi y penser… Surtout que notre maire, qui déteste tant le désordre dans l’enceinte municipale et dans nos rues, a lui-même donné l’exemple de ce qu’il faut faire pour ramener Postes Canada au service concret des citoyens et citoyennes de notre ville… De toute façon, l’installation de ces laideurs urbaines ne passera pas comme lettre à la poste…

 Paru dans Le Devoir du 3 septembre 2015

L’ère de l’opinion instantanée (1er octobre 2013)

N’allez pas croire que je suis contre le fait que nous puissions avoir une opinion sur presque tout ce qui se passe dans notre belle province et ailleurs. Mais il me semble que nous dégainons pas mal vite sur tout ce qui bouge dans l’actualité. Pas le temps de réfléchir et encore moins de discuter sereinement pour se forger une opinion! Tout de suite on nous demande de dire si nous sommes pour ou contre. Tous les journaux ont des sondages d’opinion en ligne et ils nous offrent tous de réagir sur le champ aux propos de leur blogueurs.

Les radios aussi ont pris ce virage. Les radios d’opinion, ce que certains appellent les «radio poubelles», le font depuis quelques années à la droite du spectre politique. Même la bonne vieille radio publique se transforme en une radio d’opinion! Bien sûr il y avait «Maisonneuve à l’écoute» qui offrait à quelques auditeurs par jour de commenter l’actualité. Mais maintenant, avec l’émission matinale de Marie-France Bazeau, nous sommes bombardés d’opinions dès notre réveil. L’information y est encore un peu présente, mais on nous rabat les oreilles d’opinions de «debaters» professionnels et de «twitters» souvent déchaînés dès les premières heures de l’aube.

Et puis il y a les sondages qui viennent nous donner une image collective de nos opinions. Là, pas de débat, juste une photo prise par une caméra dirigée sur ce qu’elle veut bien nous montrer de la «réalité»…

Mais tout cela nous amène-t-il à nous forger vraiment une opinion collective ou ne s’agirait-il pas plutôt de cristalliser des opinions individuelles dans des champs les plus contradictoires possibles? Cela n’amène-t-il pas de l’eau au moulin des extrémismes quels qu’ils soient? Si c’était le cas, ça serait bien la première fois qu’avoir une opinion ne servirait pas la démocratie!

Bien sûr j’ai quelques opinions bien arrêtées et, permettez-moi de le croire, fondées sur mon savoir, mon expérience, mon analyse ET la contribution de personnes ne partageant pas mon opinion. Ça fait longtemps que je ne crois plus aux consensus unanimes et que je me suis rallié à la conception de Gérald Larose sur les «consensus majoritaires» (sic)!

Tiens, je prends un exemple de ce matin : dans le Journal de Montréal revampé, Richard Martineau (qui d’autre?) y va d’une sortie en règle contre les syndicats. Remarquez que sa chronique n’est pas dans la section «Opinion» du journal,  mais dans la section «Actualités», ajoutant à la confusion entre opinion et nouvelle. Mais bon, passons outre ce «léger» détail. Sous prétexte de comparer la façon dont les critiques envers les syndicats sont reçues en France ou au Québec, M.Martineau  y va d’une sortie en règle sur le supposé pouvoir des syndicats qui «tiennent littéralement le gouvernement par les bijoux de famille». En bonus, son texte est accompagné d’une photo de M.Ken Perreira qui témoigne à la Commission Charbonneau sur des allégations de fraude dans UN syndicat, la FTQ Construction. Son opinion est placée juste à côté d’un article qui porte sur le rejet d’une demande de M.Michel Arseneault, président de la FTQ et du Fonds de Solidarité, à l’effet que la Commission ne puisse utiliser des écoutes téléphoniques le concernant lors de ses séances publiques. Finalement, son texte est coiffé du titre suivant : «Le syndicalisme : une religion intouchable?». Ça fait pas mal de messages «subliminaux» sous prétexte d’information, non?

C’est une opinion assez répandue chez les tenants du capitalisme sauvage que «les syndicats ont trop de pouvoir». J’ai eu l’occasion d’en débattre assez souvent pour me rendre compte que cette opinion est fondée sur de mauvaises expériences personnelles et sur la répétition de lieux communs ou d’informations incomplètes. Si on posait la question «est-ce que les travailleurs et les travailleuses ont trop de pouvoir dans notre société?», peut-être nous approcherions-nous d’un débat pas mal plus intéressant. Mais il est si facile de mettre tous les syndicats dans le même panier à partir d’exemples tronqués.

Si M.Martineau voulait faire œuvre utile, il ouvrirait des débats d’opinion qui permettraient un échange constructif. Avoir des espaces d’intervention publique devrait imposer certains devoirs envers les tenants des opinions contraires, et plus que de simplement leur offrir de réagir dans un blogue de dialogue de sourds. Si les français peuvent sereinement se varloper politiquement dans les journaux c’est que là-bas de multiples média sont, soit identifiés à des courants de pensées politiques, soit capables d’une neutralité favorisant les débats. Ici nos média de masse sont faussement apolitiques et inaccessibles ou presque à ceux qu’on appelle la gauche…

Si M.Martineau me permettait de vraiment débattre avec lui, il saurait que je suis d’accord avec quelques-unes de ses affirmations… Ainsi, celles et ceux qui m’ont entendu par le passé savent que j’aimais justement dire aux membres que le syndicalisme n’est pas une religion. Qu’ils devaient prendre leur syndicat en main s’ils ne voulaient pas le voir s’éloigner de leurs préoccupations. Qu’ils devaient s’impliquer s’ils voulaient que leur syndicat ait un véritable pouvoir face à leur employeur et face aux législateurs. Oui les syndicats sont des groupes de pression! Plus ils sont argumentés, présents auprès des employeurs et sur la place publique, plus ils peuvent défendre et faire avancer la cause des travailleuses et des travailleurs.

J’ai toujours dénoncé les faux syndicalistes qui utilisaient nos organisations pour leur propre profit. J’ai toujours dit qu’il n’y avait pas d’organisation humaine qui ne pouvait être améliorée; que la bureaucratie guette toute organisation qui s’éloigne de ses objectifs premiers et ne vit plus que pour elle-même. Bref, nous pourrions trouver quelques points de rencontre. Mais fondamentalement je ne pourrais supporter ces faux débats qui ne servent qu’à se créer un personnage médiatique qui lui ne vise qu’à enrichir son marionnettiste…

Mais je suis prêt à en débattre!