À bas les boîtes postales communautaires!

13 août 2015 Journal Metro

13 août 2015
Journal Metro

Je ne suis pas particulièrement un admirateur du maire de Montréal, Denis Coderre. Je lui reconnais cependant une intelligence politique hors de l’ordinaire et un sens médiatique qui frise parfois le populisme. Aussi ne fus-je pas surpris de le voir, marteau piqueur à la main, démolir une dalle de ciment destinée à accueillir ces hideuses boîtes aux lettres, dites communautaires, de Postes Canada. Je me suis dit alors qu’il venait d’assurer sa réélection à la mairie en 2017! Rarement a-t-on vu un maire aussi représentatif de la pensée majoritaire de sa municipalité. Car, il faut bien le dire, l’installation de ces boîtes postales extérieures, en lieu et place de la livraison à domicile du courrier, exaspère la très grande majorité des montréalais. Non seulement les résidents tiennent-ils à la livraison à leur porte du courrier, non seulement l’installation de boîtes communes extérieures est-il impensable dans plusieurs quartiers, sans parler de leur laideur répugnante, mais juste le mépris de la population et l’intransigeance de Postes Canada suffisent à mobiliser le tout Montréal contre ce projet stupide.

Lorsque j’ai appris qu’un «citoyen» avait déposé une plainte à la police contre le maire Coderre pour ce geste illégal, j’ai tout de suite pensé que Postes Canada avait trouvé un chemin détourné pour mettre le maire dans l’embarras. Mais si ce n’est pas le cas, ce «citoyen» vient d’ouvrir une boîte de Pandore qui pourrait facilement augmenter la popularité du maire et rendre l’installation de ces boîtes maudites responsable d’une mini guerre civile entre les citoyens et une société «de la couronne». Peut-être que Postes Canada mesure mal l’hostilité des résidents envers ces boîtes et la relation particulière qu’ils entretiennent avec leur facteur. Ces gens qui «marchent la ville» quotidiennement, représentent pour plusieurs un marqueur du temps rassurant, même si parfois ils n’apportent que mauvaises nouvelles ou factures à payer. «Le facteur est-il passé?» est une question que se posent toutes les personnes qui passent leurs journées à domicile. Les courriels et textos ont beau avoir remplacé la plupart des envois postaux, la distribution du courrier à la porte constitue encore un événement quotidien qui nous relie concrètement au monde dans lequel nous vivons. Et ces liens sociaux qui diminuent constamment donnent encore plus d’importance à cette visite quasi quotidienne.

Personnellement je n’irai pas jusqu’à louer un bulldozer pour écrabouiller ces excroissances purulentes qui commencent à pousser dans notre ville. Mais j’avoue que ce n’est pas l’envie qui manque! Et si l’idée me traverse l’esprit, j’imagine que d’autres peuvent aussi y penser… Surtout que notre maire, qui déteste tant le désordre dans l’enceinte municipale et dans nos rues, a lui-même donné l’exemple de ce qu’il faut faire pour ramener Postes Canada au service concret des citoyens et citoyennes de notre ville… De toute façon, l’installation de ces laideurs urbaines ne passera pas comme lettre à la poste…

 Paru dans Le Devoir du 3 septembre 2015

Chercher la vie extraterrestre?

Cette semaine, la NASA nous annonçait qu’elle avait trouvé, à une distance de 1,400 année-lumière, une planète similaire à la Terre dans une possible zone climatique où la vie, telle qu’on la connaît, aurait pu se développer depuis plus longtemps encore que sur Terre. De quoi stimuler fortement les imaginations scientifiques ou romanesques! Nous aurions donc une planète sœur et, pourquoi pas, de lointains cousins, plus âgés, aussi «seuls» que nous dans l’univers…

Et pourtant, selon des chercheurs, il y aurait plusieurs milliards de planètes pouvant abriter une vie semblable à la nôtre dans notre univers. Pour d’autres, notre univers ne serait pas unique, mais ferait partie d’un ensemble d’autres «multivers» contenant eux aussi leurs parts de galaxies, systèmes solaires et, évidemment, planètes pouvant contenir une vie chimiquement semblable à la nôtre… Bref, la famille serait tellement grande qu’aucune planète ne pourrait y accueillir un party familial de fin d’année!

Ces «découvertes» complexifient la vision de la place que nous occupons dans cette multitude de possibles cousinages extraterrestre. Bien sûr il est facile d’imaginer que la vie cellulaire, dont nous ne serions qu’une branche, puisse trouver d’autres lieux même plus avantageux pour se développer. Certains chercheurs ont même défini la «planète idéale» où des assemblages moléculaires comme les nôtres pourraient encore plus facilement évoluer. Mais sommes-nous seulement le fruit d’une évolution biochimique? Certains ne jurent que par une intervention extérieure, divine même, pour expliquer notre existence. D’autres pensent que nous sommes le fruit d’une évolution adaptative par «à-coup», qui ne saurait se produire dans des conditions stables ou idéales. Sans stimuli brusques, sans capacité d’adaptation, nous serions peut-être restés à un stade primitif de développement, nous contentant d’une reproduction constante, continuelle, identique et, de notre point de vue, statique, pour ne pas dire «platte».

L’humanité d’aujourd’hui serait donc le fruit, hasardeux ou non, d’une forme d’évolution stimulée par notre volonté de changer, d’augmenter, notre emprise sur les conditions de notre reproduction, de bousculer la façon d’occuper l’environnement dans lequel nous évoluons. Notre capacité de nous projeter dans un autre milieu de vie que celui qui nous entoure, ne semble avoir comme limite que celle de la viabilité de cet environnement. Nous pourrions inventer de vivre en enfer si cela ne nous tuait pas! Certains pensent que nous sommes d’ailleurs en bonne voie d’y parvenir…

Quand l’astrophysicien Stephen Hawking projette de trouver la preuve de l’existence d’autres formes de vie dans les galaxies environnantes, se pose automatiquement la question de cette éventuelle rencontre avec l’une ou l’autre de ces «civilisations» extraterrestre. Savoir qu’il existe d’autres mondes, ayant développé une forme de vie semblable à la nôtre, est une chose. Entrer en contact avec eux en est une autre.

Émettons l’hypothèse que d’autres formes de vie existent ailleurs et que nous pourrions même entrer en contact avec elles, au-delà du problème réel des distances qui nous séparent. Si d’autres êtres vivants, pensants, étaient infiniment bons, amicaux, empreints d’une douceur incommensurable et d’une science sans limite et qu’ils entraient en contact avec nous, je crois que nous ne les impressionnerions pas beaucoup! Ils pourraient même penser que nous ne sommes qu’une forme de bactérie nuisible. Au mieux ils fuiraient rapidement; au pire ils «désinfecteraient» la planète pour lui redonner une chance «d’évoluer»…

Si, par contre, nous rencontrions des êtres agressifs, guerriers et avides de possessions (un peu comme nous, quoi), il ne nous resterait plus qu’à souhaiter que leurs technologies aient une faille majeure, à défaut de quoi nous risquerions de disparaître rapidement…

L’humanité n’a pas souvent démontré sa capacité de contacts cordiaux entre des civilisations différentes. Notre approche «à l’autre» est souvent méfiante et les rapports de domination ont été plus souvent qu’autrement la ligne de conduite qui nous a menés à l’extinction ou à l’asservissement de peuples rencontrés au hasard des migrations humaines. Notre système économique actuel en est le dernier vecteur connu : tout développement collectif se fait par l’exploitation de la majorité par une minorité dominante. Les principes d’égalité sont plus souvent écrits dans des conventions de bonnes intentions que dans la réalité quotidienne des humains de notre planète.

Si certains pensent que nous sommes le summum de l’évolution, peut-être vaut-il mieux ne pas entrer en contact avec des vies extraterrestre! Si elles sont moins «évoluées», nous allons sans doute les asservir et même les faire disparaître. Si elles sont plus «évoluées», nous leur paraîtrons bien stupides et là encore nous risquons d’en payer le prix. Et si elles étaient totalement semblables à nous, nous trouverions vite une raison de les discriminer : une peau trop bleue, une troisième oreille dérangeante, une langue incompréhensible, une propension «politically» incorrecte à l’alcool ou une piété suspecte envers un dieu que nous ne connaîtrions pas. Seule leur éventuelle syndicalisation m’apparaîtrait intéressante…

À tout bien considérer, il vaut mieux pour nous et pour d’éventuelles sociétés extraterrestres que nous ne nous côtoyions pas trop. Restons simplement amis Facebook; sans façon!

Louis Roy – 24 juillet 2015

NASA, Kepler-452B : http://www.nasa.gov/press-release/nasa-kepler-mission-discovers-bigger-older-cousin-to-earth

Exoplanètes : http://exoplanet.eu/

Univers et Multivers: http://www.universalis.fr/encyclopedie/multivers/

Mondes «superhabitables» : http://arxiv.org/ftp/arxiv/papers/1401/1401.2392.pdf

Rapport Godbout : mise à mort de l’État social !

Au-delà des chiffres, des propositions et des objectifs avoués de la réforme proposée par M. Luc Godbout et son groupe de travail, il ne s’agit pas seulement ici de modifier telle mesure et d’en créer une nouvelle dans un autre domaine. D’ailleurs, le rapport nous propose un projet «global» qu’il ne faudrait pas appliquer à la pièce et encore moins dans lequel on pourrait choisir les quelques réformes qui font l’affaire de groupes de pression choisis.

Non, le rapport Godbout propose ni plus ni moins la fin du «welfare state», ce qu’ici on appelle l’État Providence. Cet État social, basé sur la juste contribution de ses membres, individus et entreprises, qui mettent en commun, selon leurs capacités, des services offerts à tous, sur tout le territoire et au meilleur prix. Ces services publics peuvent être gratuits ou à contribution unique pour tous; mais ils sont financés par un système d’impôt où, idéalement, la contribution varie selon la capacité de payer des contribuables (le mot dit bien en quoi consiste la fonction).

Les tenants du libre marché et d’une place privilégiée aux financiers et investisseurs, cherchent depuis longtemps à revenir au capitalisme primaire du début du XXe siècle. Ils combattent depuis lors toutes les mesures sociales auxquelles ils sont tenus de contribuer. Leur idée de base consiste à dire que la croissance économique, faite librement par des capitalistes égoïstes, créerait une telle richesse qu’elle retomberait d’elle-même sur toutes les couches de la population. Leur plus grand ennemi? Les impôts! Pourquoi? Parce que ce système les «taxe» d’autant plus qu’ils s’enrichissent. Or, les riches ne sont jamais assez riches et toute mesure qui vient réduire l’écart entre leur richesse et les revenus moyens du reste de la population les horripile. L’idéologie capitaliste n’a jamais créé une répartition juste de la richesse envers ceux et celles qui la produisent, les travailleurs et travailleuses, les créateurs, les artistes, etc.

Proposer de ramener les impôts à une proportion minimale des revenus de l’État, signifie que celui-ci ne sera plus un répartiteur de la richesse. Il n’aura plus la capacité d’imposer les choix collectifs pour l’existence de tel ou tel service. Il ne pourra plus utiliser sa capacité de «saisir» une juste part de la richesse produite auprès de ceux et celles qui s’enrichissent au détriment de la majorité. La seule option qui lui restera pour augmenter ses revenus, sera de taxer les utilisateurs de services ou les consommateurs de biens. Or, les riches sont les moins touchés par les taxes sur les biens et services, puisque la consommation de biens et services essentiels représente une part moins grande de leurs dépenses comparativement à une personne à revenu faible ou moyen.

On peut bien discuter longuement de la valeur des mesures proposées dans le rapport Godbout. Mais, fondamentalement, la véritable proposition qui est faite est celle de passer d’un État social à un État absent ou chétif; passer de citoyens à consommateurs; passer de la démocratie à une féodalité capitaliste.

Je ne veux pas de cet avenir pour mes enfants. Nous avons quitté la France royaliste il y a quatre cents ans et avons tenté d’établir ici une société plus juste, moins hiérarchique. Nous sommes sortis de la misère et de la grande noirceur depuis à peine soixante ans. Depuis, nous nous sommes donné un État social inachevé mais fonctionnel. Oui il faut le rendre plus conforme à nos attentes. Oui, il faut le financer adéquatement pour éviter l’endettement systématique. Mais il faut surtout partager entre toutes les composantes de la société, individus comme entreprises, le coût de cet investissement collectif qu’est l’État social. Faire sa juste part? Il n’y a que l’impôt qui peut permettre d’y arriver.

Louis Roy

Ex président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Paru dans le Journal de Montréal, le 27 mars 2015

Projet de loi 3* à la sauce Chili 29 août 2014

Maintenant que la commission parlementaire sur le projet de loi 3, modifiant les régimes de retraite des employés municipaux du Québec, est terminée, la réflexion doit s’élargir sur l’impact d’une telle loi sur la retraite future de tous les Québécois.

Au vingtième siècle, les notions de redistribution plus égalitaire de la richesse, de services publics et de conditions minimales de travail ont vu le jour après la grande dépression de 1929. Elles se sont concrétisées plus particulièrement après la deuxième grande guerre; ici, au Québec, c’est ce qu’on a appelé les «trente glorieuses» où s’est mis en place l’État social lors de la Révolution dite tranquille. Dans cette période, fin des années quarante jusqu’au début des années quatre-vingt, les syndicats ont fait partie de toutes les batailles visant à donner à la population des possibilités accrues d’un meilleur niveau de vie, de la naissance à la mort. Conditions de travail sécuritaires, salaires, retraites, systèmes publics d’éducation et de santé, garderies et participation citoyenne à la vie démocratique font partie d’une série de gains importants arrachés à une autre vision du monde axée sur l’accumulation de la richesse entre les mains de quelques uns aux dépens de la collectivité.

Pays totalitaires

Mais les tenants du capitalisme et du néolibéralisme n’ont jamais pour autant jeté la serviette! Pour eux, les terreaux fertiles ne manquaient pas. Surtout dans les pays totalitaires! Ainsi, début des années soixante-dix au Chili, les disciples néolibéraux de Milton Friedman, formés à l’Université de Chicago, ont-ils conjugués leurs efforts avec ceux d’Augusto Pinochet pour créer une économie purement néolibérale, imposée par la force à toute la population d’un pays tout autant au bord de la modernité que nous l’étions alors. Trois principes de base soutiennent la pensée des «Chicago boys» :

  • réduction du rôle de l’État au profit du secteur privé par l’ouverture de tous les marchés à la «libre concurrence»;
  • réduction ou annulation de l’influence des organisations syndicales;
  • disponibilité d’une main d’œuvre sous payée, sans droits, avec le strict minimum pour vivre et la nécessité de travailler jusqu’à sa mort, donc sans revenus décents à la retraite.

Les mesures pour y arriver furent draconiennes : privatisation des services publics, élimination, au propre comme au figuré, des opposants syndicaux et progressistes, diminution substantielle des régimes de retraite et privatisation de leur gestion.

Le projet de loi, sur les régimes de retraite des employés municipaux, relève de la même logique, cachée sous diverses formules populistes dont celle de la «capacité de payer». Comme nous ne sommes pas sous le joug d’une dictature, la voie choisie par le gouvernement est plus insidieuse et relève d’une stratégie étapiste qui n’en mènera pas moins aux mêmes résultats. D’ailleurs, tous les gouvernements québécois s’en sont servi dans les trente dernières années. Ainsi la crise économique du début des années quatre-vingt a servi d’excuse au gouvernement Lévesque pour limiter considérablement l’indexation des prestations de retraite et réduire les salaires de la fonction publique. La crise du début des années quatre-vingt-dix a ouvert la porte à la glissade des salaires du secteur public qui, de comparables au secteur privé qu’ils étaient, sont maintenant en net recul selon l’Institut de la statistique du Québec.

Vision plus large

Le projet de loi 3 ne peut et ne doit pas être analysé séparément d’une vision large et à long terme du type de société dans laquelle nous voulons vivre. Il y a sans doute, parmi les politiciens engagés dans ce débat, des individus qui honnêtement croient y régler la pérennité des régimes à long terme. Le long terme se limitant à la prochaine crise économique mondiale… Il y a sans doute aussi plusieurs syndiqués qui ne sont mobilisés qu’en fonction de leur propre prestation de retraite. Ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur talon de paie continueront à s’amuser en se donnant en spectacle à un peuple qui n’en peut plus de se sentir floué par le système économique sans que personne ne lui explique les tenants et aboutissants de sa propre diminution du niveau de vie. La frustration d’avoir été gouverné par des profiteurs ou des incapables, doublée par l’inexistence de projet collectif porteur d’espoir, risque d’amener la population à jeter le bébé avec l’eau du bain dans la question complexe des régimes de retraite…

D’autant que peu de régimes de retraite sont accessibles à la population et ceux qui existent sont loin d’être en or! Ainsi le RREGOP qui couvre la très grande majorité des employés de l’État, donnait-il en moyenne $19,000 par an en 2013. Et la plupart des régimes sont ajustés à la baisse lorsqu’on reçoit le Régime des rentes du Québec. De plus, si les prestations sont aussi basses, c’est que presque tous les régimes de retraite avaient tenu pour acquis que les services de santé seraient gratuits jusqu’à notre décès. Ce qui n’est plus tout à fait le cas et à risque de privatisations futures… Déjà les Walmart et RONA de ce monde engagent de plus en plus de personnes «à la retraite». Un tiers des Québécois de 55 ans et plus travaillaient en 2011. Et la tendance, qui semble être à la hausse, ne diminuera pas si les prestations de retraite sont réduites dans le futur. Les femmes, qui ont fait double emploi auprès de leurs enfants tout en travaillant, continueront à être mises à contribution encore plus! D’abord auprès de leurs parents vieillissants, puis lors de leur «retraite» à cause de revenus moindres, sans parler de leur longévité plus grande qui les forcera à le faire encore plus longtemps…

Résister au démantèlement

D’ici à ce qu’on nous propose des choix collectifs permettant une organisation sociale soutenue par une économie axée sur les besoins humains, le respect de l’environnement et une possibilité de vivre dignement jusqu’à la fin de nos jours, nous ne pouvons souscrire au démantèlement à la pièce des outils mis en place pour améliorer le sort des travailleurs municipaux. Il est donc du devoir des organisations syndicales et des tenants d’une société plus juste de résister fermement à ces attaques. Les tenants du néolibéralisme attendent patiemment que des brèches s’ouvrent dans le mur social qui permet une meilleure redistribution de la richesse.

Il a fallu quarante ans au Chili pour recommencer à mettre en place timidement des mesures sociales abolies jadis par les néolibéraux. Si les employés municipaux lâchent du lest, nous nous engageons sur une pente glissante avec peu d’espoir à court terme pour la retraite de toutes les Québécoises et tous les Québécois.

Louis Roy

Ex-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Texte paru à demi dans la version papier du quotidien Le Devoir le vendredi 29 août 2014 et en version intégrale sur leur site web: http://www.ledevoir.com/politique/quebec/417084/projet-de-loi-3-a-la-sauce-chili

*Projet de loi 3: Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal

Cinéma: La petite reine : L’aveuglement collectif!

Ce film, « inspiré d’une histoire vraie » mais dont  » toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite », nous lance en pleine face la dérive qui guette ceux et celles qui veulent gagner à tout prix. Quatre exemples patents: 1 le père qui ne veut pas voir ce qu’il a lui-même engendré; 2 le commanditaire qui ne cherche qu’à associer son nom à la célébrité; 3 le coach qui profite (dans tous les sens) des forces et des faiblesses de SA vedette; 4 l’athlète qui cherche à plaire par la victoire, quitte à la voler. Techniquement le film est très bien monté, la musique pas trop présente vient souligner les contradictions qui feront finalement craquer la tricheuse… Mais ce sont surtout les acteurs qui donnent au film son sens. Denis Bouchard, inspirant dans son rôle de père aveugle, aimant à sa façon cette fille qu’il ne berce plus que d’illusions. Patrice Robitaille, l’écœurant; celui par qui le malheur arrive et se perpétue. Manipulateur, profiteur, dangereux. Une prestation artistique très bien tenue. Et, évidemment, Laurence Lebœuf, la vedette, la victime, la menteuse, la petite reine. Trop de gros plans peuvent nous faire croire qu’elle «surjoue»; mais elle rend bien le conflit interne qui s’installe dans la tête de cette ado manipulée depuis si longtemps… Il ne s’agit pas d’un plaidoyer pro ou anti dopage. Ni d’un documentaire sur le cyclisme féminin. Il s’agit plutôt d’un drame humain dont sont victimes trop d’enfants qui tentent maladroitement de vivre et d’assumer les rêves de leur entourage. Un appel à la liberté de vivre et laisser vivre, pas trop complaisant ni moralisateur. Un excellent «télé-film». 4/5

Congrès de la CSN 2014: Le syndicalisme de combat toujours d’actualité!

26 mai 2014 : Ouverture du Congrès de la CSN à Québec

Syndicalisme de combat : toujours d’actualité!

Aujourd’hui, s’ouvre à Québec, ce qui sera mon dernier congrès de la Confédération des syndicats nationaux, la CSN. J’y milite depuis 1975. J’y ai aussi assumé des fonctions de direction. Mais j’ai toujours été avant tout un militant de la base. C’est d’ailleurs à ce titre que j’assisterai à ces cinq jours de débats d’orientation.

J’aurais souhaité m’y faire discret. Mais voilà qu’un bout de phrase, attribuée faussement semble-t-il par Le Devoir au président Létourneau, questionne tout ce à quoi j’ai cru depuis quarante ans : «On n’est plus dans le syndicalisme de combat,…».

Un de ceux qui a le mieux analysé le syndicalisme au Québec est, selon moi, le professeur Jean-Marc Piotte. Voici ce qu’il écrivait en 2010, dans la Revue À babord!, sur le syndicalisme de combat : «Le syndicalisme de combat vise essentiellement à affermir le rapport de force des syndicats face aux patrons, non seulement durant la période de négociations, mais durant la période de paix des relations industrielles. Or, la puissance d’un syndicat est directement proportionnelle à la conscience et à la mobilisation de ses membres.» Le syndicalisme de combat cherche à combattre les inégalités, toutes les inégalités, avant, pendant et après les négociations qui le touchent plus quotidiennement. Des syndicats peuvent donc être très combattif lors du renouvellement de leur contrat de travail, mais ne pas être suffisamment « conscientisés » pour entrer dans la famille du syndicalisme de combat.

C’est le syndicalisme de combat que veulent museler la droite et les Radios X de ce monde. Ils y voient une attaque aux droits individuels mais surtout au droit des capitalistes à exploiter comme ils le veulent la race humaine! Pourtant nous sommes inondés de rapports d’études démontrant que les inégalités sociales sont en hausse depuis trente ans. Même la très capitaliste Banque mondiale en appelle à la réduction des inégalités sociales pour cause de danger d’instabilité politique. L’économiste Thomas Piketty a publié dernièrement un best-seller démontrant, si besoin était, que le capitalisme ne peut qu’engendrer à perpétuité de plus grandes inégalités sociales. Bref, au moment ou le capitalisme est remis en question par ses propres tenants, ce n’est certes pas le moment de réduire la pression sur lui !

La CSN serait-elle en train de changer son orientation politique des cinquante dernières années? Je ne peux le croire. Y a-t-il un équilibre à trouver entre le combat social et les luttes locales? Non! Toutes les luttes visant à se faire respecter comme travailleurs ou travailleuses, toutes celles visant à briser les injustices dont sont victimes les femmes, les LGBT, les travailleurs immigrants, les exclus, les pratiquants ou non des religions, toutes ces luttes doivent faire partie du programme. Toutes les inégalités engendrées par le système économique actuel doivent faire partie de la conscience du syndicalisme de combat, du syndicaliste politisé et des combats qu’ils doivent mener.

Oui il existe encore des classes sociales. Oui il existe encore des exploiteurs. Oui il y a des alternatives possibles au capitalisme. Oui le dérèglement climatique, amplifié par l’appétit des profits exorbitants, menace nos sociétés et encore plus celles où vivront nos enfants. N’y a-t-il pas là de quoi nourrir un syndicalisme généreux, combattif, conscient de tous les enjeux, mobilisé sur les questions qui forment la trame complète de la vie de ses membres? Un syndicalisme près de ses membres, démocratique et non bureaucratique? Un syndicalisme formateur, revendicateur, frondeur? Un syndicalisme stimulant et en marche vers un avenir meilleur? Un syndicalisme de combat. Un syndicalisme CSN!

Louis Roy

Ex-président de la CSN

P.S. Le président Létourneau, dans son discours à la fermeture du congrès, a assuré le congrès qu’il n’était pas question d’abandonner le syndicalisme de combat.

Voir aussi l’article paru dans La Presse du 26 mai 2014

La politique comme je la déteste!

Depuis huit mois, en fait depuis la proposition de charte des valeurs, je me suis abstenu d’intervenir publiquement sur les partis politiques et leurs discours. Pendant la campagne électorale qui vient de se terminer, seule l’intervention curieuse d’anciens présidents de la CSN en appui à la candidature de Pierre-Karl Péladeau m’a poussé à une sortie publique. Non pas que je sois décroché de l’actualité québécoise et encore moins que j’aie décidé de me bercer sur la galerie en regardant les wagons de pétrole passer. J’avais plutôt l’espoir qu’une nouvelle génération militante prenne la relève et que les questions de l’avenir de la planète, de la réduction des inégalités et de la démocratie participative soient au devant des réflexions politiques collectives.

Depuis huit mois, tout le paysage politique québécois a, bien au contraire, porté sur des sujets tout aussi futiles que le choix de la valse à jouer sur le pont du Titanic le soir de son naufrage. Doit-on limoger une infirmière qui refuserait d’enlever son voile? Doit-on avoir peur de l’expression démocratique d’un peuple lors d’un référendum? Doit-on mettre des péages sur un des ponts qui relie Montréal au «continent»? Doit-on avoir plus de GMF, de PPP? Doit-on fouiller le sol à la recherche de pétrole à Anticosti? Doit-on faire du ciment en Gaspésie? Oui, je dis que tout cela est futile! Futile pour éclairer le choix d’un gouvernement responsable de ce que nous laisserons comme véritable héritage à nos enfants. Non pas que le prochain gouvernement ne doive pas répondre à ces questions qui préoccupent la population au quotidien. Mais au-delà de ces sujets, pour choisir ceux et celles qui vont nous diriger, ne devrions-nous pas regarder ce qui nous attend si nous continuons sur la même voie?

Quand le Fonds monétaire international (FMI), une organisation au cœur du développement capitaliste de la planète, pose la question de l’écart entre les plus riches et le monde ordinaire et propose de s’y attaquer pour le réduire; quand ce même FMI remet en question la taille démesurée des banques et les considère comme un danger pour la stabilité économique et politique de la planète; quand le Groupe Intergouvernemental d’experts de l’ONU sur l’Évolution du Climat (GIEC) nous rappelle encore une fois que le dérèglement climatique met en danger la survie même de l’humanité; quand Jean Lemire, capitaine du bateau SEDNA et environnementaliste apolitique, nous lance un cri du cœur à l’effet que la production de la richesse ne signifie pas du tout son partage équitable et encore moins l’utilisation responsable des ressources; quand même la NASA lie inégalités sociales à disparition de l’humanité, etc. Quand tout cela devrait préoccuper au moins ceux et celles qui nous dirigent, de quoi nous parlent nos politiciens? De sujets qui visent à leur faire obtenir un vote de plus; électoralisme à la carte, dans un monde qui a plutôt besoin d’une direction intelligente et qui nécessitera des choix éclairés mais difficiles sous peu.

D’ici 50 ans, il nous faudra trouver un autre modèle économique, basé sur la coopération plutôt que sur la concurrence, une économie qui devra redéfinir la notion de développement économique et qui soustraira l’impact à long terme sur l’environnement de la supposée richesse produite. Il nous faudra développer des façons de produire l’énergie sans aggraver le dérèglement climatique. Il nous faudra nourrir encore plus d’humains avec moins de fertilisants, avec des mers où les poissons semblent de plus en plus incapables de se reproduire. Il nous faudra rendre accessible une eau potable plus rare à des populations de plus en plus assoiffées. Il nous faudra lutter contre des épidémies dues à l’adaptation des virus et bactéries alors que le vieillissement des populations les rendra plus vulnérables.

Loin de moi l’idée d’être alarmiste et encore moins prophète de malheur. Au contraire! J’y vois des défis stimulants pour des populations instruites et sures d’elles-mêmes. Mais pour y arriver il faut s’y mettre dès maintenant : rendre l’instruction encore plus accessible, investir dans la recherche fondamentale, prendre des mesures concrètes soutenant les énergies renouvelables, partager encore mieux les richesses, rapprocher le pouvoir des citoyens, penser nos villes, nos pays, en fonction des bouleversements climatiques (montée des eaux, de la chaleur, nécessaire accroissement du verdissement et de l’autonomie alimentaire locale) etc.
Je n’ai pas entendu grand ’chose de tout cela depuis huit mois. Bien sûr quelques partis politiques et certains candidats se sont exprimés dans ce sens. Mais le principe de la «ligne de parti» de ceux qui s’échangent le pouvoir depuis des décennies ne va pas dans ce sens. Le pouvoir planétaire a été accaparé par des «riches» en argent, mais «pauvres» en vision d’avenir. Au Québec, au Canada, nous ne faisons pas exception. Depuis huit mois, je ne vois que des politiciens faire de la politique comme je la déteste!

Dans les années 1960, c’est le Parti Libéral du Québec qui a ouvert la porte à une sortie de la grande noirceur économique et intellectuelle qui paralysait le Québec. Depuis 40 ans, la question nationale a accaparé beaucoup d’énergie politique. Maintenant que les québécois ont encore une fois tourné le dos à l’idée d’indépendance et que le Parti Libéral du Québec a repris le pouvoir, serait-il en mesure d’ouvrir une nouvelle porte qui nous mènerait à une révolution écologiste, économique et démocratique suffisamment visionnaire pour nous permettre d’être fiers de nous dans 50 ans? Ou bien ne sera-t-il qu’une brindille prise dans le courant bien pensant du libéralisme économique mondial?

Si le PLQ de M. Couillard croit vraiment qu’il faille parler des vraies affaires, si M. Couillard veut laisser une trace marquante dans l’histoire du Québec, je crois qu’il doit se projeter plus loin que la simple durée de vie d’un gouvernement. Les libéraux ont la possibilité d’amorcer une nouvelle révolution tranquille, celle qui soutiendra la survie de la planète et même de l’humanité. Le feront-ils? En parleront-ils?

Nous, nous sommes prêts!

Et vous M. Couillard?

Louis Roy
Organisateur communautaire et ex président de la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN)

 

Paru en version courte dans La Presse du 15 avril 2014

Voir aussi sur le Japon: http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20140321trib000821608/pourquoi-nous-sommes-a-la-merci-des-discours-economiques.html

 

Tragédie de L’Isle Verte: 44 ans plus tard, un second Notre-Dame du Lac.

La vieillesse : notre futur à tous!

2 décembre 1969. Un vieil édifice en bois, au cœur d’un magnifique village du Témiscouata, est la proie des flammes. Ancien hôtel transformé en maison de chambres, le bâtiment est une perte totale. Cette nuit-là, «Le Repos du Vieillard» deviendra le repos éternel pour trente-huit résidents âgés. Parmi eux, mon grand-père Ludger Roy. Un fier bûcheron de plus de 70 ans, droit et fort comme les arbres qui l’ont accompagné toute sa vie. Les noisettes qu’il gardait sous son lit de fer, dans des boîtes à chaussures, et qui faisaient notre régal lors de nos visites estivales, seront un souvenir que je conserverai de cette «cellule» dans laquelle il dormait. Cette «chambre», était tout près de l’escalier extérieur au bout de l’édifice et bien qu’il ne fût pas un des «patients» attachés à leur lit pour cause de démence, mon grand-père n’a pas survécu à cette catastrophe. On l’aurait, semble-t-il, vu à l’extérieur du bâtiment au tout début de l’incendie. Est-il retourné à l’intérieur pour aider ses colocataires ou pour chercher le peu de biens qu’il avait conservé précieusement? Nous ne le saurons jamais.
La seule certitude que nous aurons, c’est que cet édifice n’aurait jamais dû héberger nos «vieillards». Pas seulement parce qu’il était vétuste. Mais parce qu’il était mal administré. Celui qui sera accusé et condamné pour avoir mis le feu au bâtiment était lui-même un des soixante-dix résidents, homme à tout faire «bénévole»… Un «irresponsable»; mais d’autres étaient tout aussi irresponsables des conditions d’hébergement et de l’absence de service aux résidents dans le besoin. Un «nique-à-feu» et une «machine à faire de l’argent». Exploitation des plus démunis de notre société ; face cachée d’une société où vieillir est une tare et où on peut faire de l’argent avec la misère des autres.
Cette tragédie aura sans doute servi à accélérer la mise en place de centres d’accueils publics pour les personnes âgées au Québec. Elle aura aussi secoué le monde des foyers et hospices privés par la mise en place de normes d’inspections municipales et gouvernementales. À partir de 1970, les conditions d’hébergement, de soins et de services publics ont permis d’améliorer grandement la vie de nos personnes âgées.
Quarante-quatre ans plus tard, nous voici avec une autre tragédie dans une résidence de personnes âgées. Trente-deux aînés disparus à l’Isle Verte. La communauté, tissée aussi serrée qu’à Notre Dame du Lac, s’en remettra malgré les cicatrices indélébiles que laissera cette tragédie. Je souhaiterais que tout comme lord de l’incendie de 1969, tous ces morts servent à déclencher une réflexion sur la place de nos aînés dans la société. Et pas juste pour savoir s’il faut des gicleurs et plus de personnel dans nos résidences pour aînés. Cela me semble quelque chose qui va de soi et aurait déjà dû être fait depuis longtemps.
J’avais 16 ans quand mon grand-père est mort tragiquement. Une colère m’habite depuis. Une colère envers notre laisser-aller collectif, envers des politiciens incapables de soutenir les années de fin de vie de la population; une colère envers ces exploiteurs de la misère, de la vieillesse, de la fragilité de ces corps usés.
«Parquer» nos aînés dans des résidences mouroirs, fussent-elles belles, accueillantes et sécuritaires, constitue envers eux un mépris de leur apport collectif, de leurs capacités intellectuelles et artistiques. Cacher la vieillesse sous le tapis n’empêchera personne de vieillir. Vieillir c’est le futur de tous. Autant préparer une meilleure place dans la société à ce qui nous attend tous et toutes!

Louis Roy
Ex président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)
27 Janvier 2014
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/398343/la-vieillesse-notre-avenir-a-tous

L’ère de l’opinion instantanée (1er octobre 2013)

N’allez pas croire que je suis contre le fait que nous puissions avoir une opinion sur presque tout ce qui se passe dans notre belle province et ailleurs. Mais il me semble que nous dégainons pas mal vite sur tout ce qui bouge dans l’actualité. Pas le temps de réfléchir et encore moins de discuter sereinement pour se forger une opinion! Tout de suite on nous demande de dire si nous sommes pour ou contre. Tous les journaux ont des sondages d’opinion en ligne et ils nous offrent tous de réagir sur le champ aux propos de leur blogueurs.

Les radios aussi ont pris ce virage. Les radios d’opinion, ce que certains appellent les «radio poubelles», le font depuis quelques années à la droite du spectre politique. Même la bonne vieille radio publique se transforme en une radio d’opinion! Bien sûr il y avait «Maisonneuve à l’écoute» qui offrait à quelques auditeurs par jour de commenter l’actualité. Mais maintenant, avec l’émission matinale de Marie-France Bazeau, nous sommes bombardés d’opinions dès notre réveil. L’information y est encore un peu présente, mais on nous rabat les oreilles d’opinions de «debaters» professionnels et de «twitters» souvent déchaînés dès les premières heures de l’aube.

Et puis il y a les sondages qui viennent nous donner une image collective de nos opinions. Là, pas de débat, juste une photo prise par une caméra dirigée sur ce qu’elle veut bien nous montrer de la «réalité»…

Mais tout cela nous amène-t-il à nous forger vraiment une opinion collective ou ne s’agirait-il pas plutôt de cristalliser des opinions individuelles dans des champs les plus contradictoires possibles? Cela n’amène-t-il pas de l’eau au moulin des extrémismes quels qu’ils soient? Si c’était le cas, ça serait bien la première fois qu’avoir une opinion ne servirait pas la démocratie!

Bien sûr j’ai quelques opinions bien arrêtées et, permettez-moi de le croire, fondées sur mon savoir, mon expérience, mon analyse ET la contribution de personnes ne partageant pas mon opinion. Ça fait longtemps que je ne crois plus aux consensus unanimes et que je me suis rallié à la conception de Gérald Larose sur les «consensus majoritaires» (sic)!

Tiens, je prends un exemple de ce matin : dans le Journal de Montréal revampé, Richard Martineau (qui d’autre?) y va d’une sortie en règle contre les syndicats. Remarquez que sa chronique n’est pas dans la section «Opinion» du journal,  mais dans la section «Actualités», ajoutant à la confusion entre opinion et nouvelle. Mais bon, passons outre ce «léger» détail. Sous prétexte de comparer la façon dont les critiques envers les syndicats sont reçues en France ou au Québec, M.Martineau  y va d’une sortie en règle sur le supposé pouvoir des syndicats qui «tiennent littéralement le gouvernement par les bijoux de famille». En bonus, son texte est accompagné d’une photo de M.Ken Perreira qui témoigne à la Commission Charbonneau sur des allégations de fraude dans UN syndicat, la FTQ Construction. Son opinion est placée juste à côté d’un article qui porte sur le rejet d’une demande de M.Michel Arseneault, président de la FTQ et du Fonds de Solidarité, à l’effet que la Commission ne puisse utiliser des écoutes téléphoniques le concernant lors de ses séances publiques. Finalement, son texte est coiffé du titre suivant : «Le syndicalisme : une religion intouchable?». Ça fait pas mal de messages «subliminaux» sous prétexte d’information, non?

C’est une opinion assez répandue chez les tenants du capitalisme sauvage que «les syndicats ont trop de pouvoir». J’ai eu l’occasion d’en débattre assez souvent pour me rendre compte que cette opinion est fondée sur de mauvaises expériences personnelles et sur la répétition de lieux communs ou d’informations incomplètes. Si on posait la question «est-ce que les travailleurs et les travailleuses ont trop de pouvoir dans notre société?», peut-être nous approcherions-nous d’un débat pas mal plus intéressant. Mais il est si facile de mettre tous les syndicats dans le même panier à partir d’exemples tronqués.

Si M.Martineau voulait faire œuvre utile, il ouvrirait des débats d’opinion qui permettraient un échange constructif. Avoir des espaces d’intervention publique devrait imposer certains devoirs envers les tenants des opinions contraires, et plus que de simplement leur offrir de réagir dans un blogue de dialogue de sourds. Si les français peuvent sereinement se varloper politiquement dans les journaux c’est que là-bas de multiples média sont, soit identifiés à des courants de pensées politiques, soit capables d’une neutralité favorisant les débats. Ici nos média de masse sont faussement apolitiques et inaccessibles ou presque à ceux qu’on appelle la gauche…

Si M.Martineau me permettait de vraiment débattre avec lui, il saurait que je suis d’accord avec quelques-unes de ses affirmations… Ainsi, celles et ceux qui m’ont entendu par le passé savent que j’aimais justement dire aux membres que le syndicalisme n’est pas une religion. Qu’ils devaient prendre leur syndicat en main s’ils ne voulaient pas le voir s’éloigner de leurs préoccupations. Qu’ils devaient s’impliquer s’ils voulaient que leur syndicat ait un véritable pouvoir face à leur employeur et face aux législateurs. Oui les syndicats sont des groupes de pression! Plus ils sont argumentés, présents auprès des employeurs et sur la place publique, plus ils peuvent défendre et faire avancer la cause des travailleuses et des travailleurs.

J’ai toujours dénoncé les faux syndicalistes qui utilisaient nos organisations pour leur propre profit. J’ai toujours dit qu’il n’y avait pas d’organisation humaine qui ne pouvait être améliorée; que la bureaucratie guette toute organisation qui s’éloigne de ses objectifs premiers et ne vit plus que pour elle-même. Bref, nous pourrions trouver quelques points de rencontre. Mais fondamentalement je ne pourrais supporter ces faux débats qui ne servent qu’à se créer un personnage médiatique qui lui ne vise qu’à enrichir son marionnettiste…

Mais je suis prêt à en débattre!

Que l’été finisse au plus sacrant ! (17/09/2013)

N’allez pas croire que je n’aime pas l’été. N’allez surtout pas croire que je n’ai pas passé un bel été. Mais l’été 2013 n’a rien apporté de positif au Québec. Que non ! Les premières nuits froides et la première neige dans le grand nord nous laissent entrevoir LE grand changement annuel de température. Si ça pouvait être pareil sur la planète…

Petit retour sur un été à oublier.

Construction

L’été a commencé avec la grève dans la construction. Je ne reviendrai pas sur les ententes conclues dans les secteurs voirie, génie civil et résidentiel. Celles-ci appartiennent aux travailleuses et travailleurs qui les ont acceptées. Mais pour les 100,000 qui travaillent dans les secteurs institutionnel, commercial et industriel, c’est partie remise. Le gouvernement a en effet adopté une loi spéciale (une autre !) pour mettre fin à la grève et repousser la négociation à l’année qui vient. Un autre décret favorisant les employeurs au détriment du droit de négocier des travailleurs et travailleuses. On se croirait à Ottawa ! Ce décret pourrait aussi risquer de désynchroniser la négociation de cet important secteur avec celui des autres…

Mégantic

Ensuite nous avons eu l’horreur de la catastrophe du Lac Mégantic. Encore une fois le capitalisme nous montre son vrai visage : faire de l’argent à n’importe quel prix, quitte à tuer du monde en passant… Le respect des humains ne fait pas partie des préoccupations de ces «entrepreneurs» pour qui le profit est la seule religion. Toutes ces morts inutiles, ces vies brisées, l’ont été sur l’autel du système économique. Ne nous trompons pas : on aura beau trouver des coupables ou identifier des «erreurs humaines» ayant provoqué la catastrophe, ce n’est que l’appât du gain qui est le véritable motif ayant emporté des vies dans cette petite ville sympathique. Autant je suis triste pour les familles touchées, autant je suis en colère contre ce système sans cœur.

Le rapport D’Amours et les retraites

Il y a deux ans, alors que j’étais président de la CSN, j’avais prédit à M. D’Amours que son rapport serait tabletté. Non pas à cause de l’intelligence ou de la compétence des membres de son comité, mais parce que les régimes de retraite doivent être revus dans le contexte d’un nouveau pacte social entre le gouvernement, les employeurs et les syndicats. D’ailleurs, le Conseil du patronat, la CSN et la FTQ avaient fait la même proposition au gouvernement Charest : mettre sur pied rapidement un comité de travail pour revoir l’ensemble des protections à la retraite. Une «alliance» rare, une occasion unique pour amorcer un débat difficile qui aurait demandé aux trois principaux intéressés un courage que, de toute évidence, le gouvernement n’avait pas.

Deux années perdues, alors que les régimes de retraite sont malmenés, que de plus en plus de gens approchent de la retraite sans avoir l’assurance de pouvoir vivre dignement jusqu’à la fin de leurs jours et alors que de plus en plus de jeunes se voient floués par un système qui leur demande de contribuer plus pour probablement obtenir moins que leurs aînés.

Aujourd’hui, jour de rapport de la commission parlementaire qui a siégé cet été, je compatis avec les membres du comité D’Amours qui, sans doute de bonne foi, ont investi dans cette réflexion que les politiques ne veulent pas faire. La seule voie pour sortir de l’impasse actuelle est d’impliquer les véritables acteurs des régimes de retraite et de les amener à un nouveau pacte qui fera en sorte que tous les travailleurs et toutes les travailleuses puissent compter sur une base stable et suffisante pour vivre dignement leurs vieux jours. Tout un défi ! Mais un défi qu’il faudra affronter rapidement.

La fameuse charte pseudo-laïcité

Il y a trente ans, le livre de Sébastien Japrisot, L’Été meurtrier, était porté à l’écran. C’est sans doute ce qui a inspiré le P.Q. à nous présenter cet été sa Charte des valeurs québécoises. Le roman porte sur le viol d’une «étrangère» qui amènera l’enfant né de ce drame à la vengence puis à la mort d’innocents. Une petite leçon de vie qui nous rappelle que le passé n’est pas «réparable» et que la folie nous guette lorsque nous ne regardons pas résolument vers l’avenir…

Notre histoire collective est très importante et nous devrions en tirer des leçons. Ici au Québec, notre histoire a de multiples facettes mais le fondement collectif est plutôt «simple»: fils et filles d’immigrants venus s’installer sur la terre de ceux que nous appelons aujourd’hui les Premières Nations. Comment, sans nier nos origines, sans se laisser obnubiler par notre courte expérience personnelle et par le vécu collectif des 450 dernières années, définir les valeurs qui cimentent TOUTE la collectivité québécoise ? Cela demande une réflexion plurielle et sereine que ne semble pas avoir déclenché la proposition faussée, pseudo-laïque, faite par le gouvernement actuel.

Je reviendrai plus amplement sur cette question dans une autre chronique. Mais je crois que le peuple québécois ne peut pas se définir dans le cadre d’une proposition «électoraliste». Il faut sans doute discuter collectivement de ce que nous voulons comme projet social en y incluant la place des religions et de leurs manifestations ostentatoires ou non. Mais aucun groupe ne peut porter seul cette proposition. On n’impose pas le consensus de la vie commune, on le définit ensemble et chacun doit y trouver son espace, quitte à mettre de côté certaines demandes que les autres considèrent mal venues…

BPC

Vingt-cinq ans après la catastrophe de St-Basile, les biphényles polychlorés, les BPC, reviennent nous hanter. Ce produit de la science (années 1920), qui devait améliorer notre vie en facilitant l’échange de chaleur dans le matériel électrique ou hydraulique, s’est révélé ensuite un ennemi grave du genre humain. Et on apprend qu’il est encore utilisé et emmagasiné dans nos communautés sans aucune précaution. Désolant, non ? Allons-nous comprendre que pour nous protéger de la cupidité de certains capitalistes nous devons nous mobiliser collectivement et briser la sacro-sainte «propriété individuelle» lorsque nous sommes menacés ? Le libre marché mène nécessairement aux abus et il n’y a que notre pouvoir collectif, un gouvernement responsable, pour réguler cette folie meurtrière. Qui protègera notre environnement si nous avons les mains liées par des lois qui protègent les bandits pollueurs ? Qui paiera les pots cassés si nous ne taxons pas, ne saisissons pas les avoirs de ces pollueurs ? Combien de catastrophes comme Bhopal en Inde ou St-Basile ou Lac Mégantic devons-nous subir avant d’agir ?

Ailleurs… Syrie et USA

Depuis deux ans, le peuple syrien vit la peur, la terreur, la mort et le désespoir. Ce n’est pas le seul meurtre collectif qui sévit sur la planète malheureusement. Mais l’utilisation, en août, de gaz sarin pour tuer plus d’un millier de personnes en banlieue de Damas, constitue une étape qui nous rappelle que nous sommes tous des syriens potentiels. Combien de fois ai-je entendu «On est-tu bien ici ! Pas de guerre, pas de famine, pas trop de tueries…». C’est vrai. Mais cela est fragile ; aussi fragile que la vie. Voilà pourquoi nous devons manifester notre volonté de paix et faire «échec à la guerre», partout ! Je l’ai dit dans le cas du Lac Mégantic, mais l’appât du gain, de l’accumulation de biens, de capital, est une source de conflits, de mort. C’est sans doute très bien de «détruire» les armes chimiques syriennes. Mais si cette guerre se poursuit, le peuple syrien souffrira encore et encore. C’est aussi cette guerre et les autres qu’il faut dénoncer. C’est l’existence même d’armes, chimiques ou non, qu’il faut dénoncer.

Une autre tuerie vient de se produire aux Etats-Unis : un ancien marine a assassiné douze personnes dans des bureaux de la marine américaine. Un défenseur de la prolifération des armes à feu disait, suite à la tuerie de 28 enfants à Newtown il y a  9 mois : «Plus d’armes, plus de sécurité». Dans la dernière année, le président Obama nous a fait de beaux discours sur le contrôle des armes à feu. Mais il n’a rien pu faire tellement l’idée de se protéger avec une arme à feu a fait son chemin dans la population américaine. Si la folie ne porte pas toujours à tuer, on voit que lorsqu’elle est accompagnée d’armes, elle le facilite certainement… Triste, triste.

Bon, deux points positifs pour finir !

USA : Les travailleurs et travailleuses des «fast-food» se manifestent pour améliorer leur sort ! Ils demandent ni plus ni moins que le doublement de leurs salaires ! Exploités par les McDonald, Wendy’s, Burger King et autres resto-rapides américains, ces travailleurs et travailleuses secouent les grandes villes américaines et le fameux rêve américain en mettant le doigt sur l’exploitation éhontée dont ils et elles sont victimes. Une bonne nouvelle dans ce pays où les syndicats ont été durement frappés ces dernières années. Voir le site de leur mouvement Fast Food Forward.

Ottawa : C’est une bonne nouvelle contenue dans un geste anti démocratique du gouvernement Harper : pour éviter de passer plusieurs semaines à défendre les sénateurs et les gestes scandaleux posés pour soutenir certains d’entre eux, M. Harper a prorogé la session parlementaire, mettant ainsi fin aux travaux en cours. Parmi les projets de loi qui «tombent» le C-377 qui obligeait les syndicats à rendre des comptes publics comme s’ils étaient des voleurs présumés. Remarquez que je suis partisan de la transparence des syndicats envers leurs membres et je crois que la CSN n’a pas de leçons à recevoir du gouvernement Harper sur ce sujet. Je crois aussi que les membres de tous les syndicats sont en droit d’exiger cette transparence de leurs organisations centrales. Mais je ne crois pas qu’il faille obliger les syndicats à rendre publiques toutes leurs dépenses de $5,000 et plus, donnant ainsi au gouvernement la liste de leurs fournisseurs et des organisations à qui elles offrent de l’aide. Surtout que le gouvernement ne demandait pas la même chose aux entreprises et aux organisations patronales. L’objectif derrière tout ça consistait à éventuellement interdire aux syndicats de soutenir des causes dites politiques, les museler dans le débat public et les rendre plus vulnérables devant les employeurs. Espérons qu’aucun autre illuminé ne viendra utiliser le parlement canadien pour attaquer les syndicats qui sont bien plus près du peuple canadien que ne le sont les conservateurs !

Bon, je m’arrête avant que l’automne ne débute !

Je souhaite quand même que vous ayez passé un bel été et que vous soyez en forme pour un automne chaud !